Chasse au sanglier : rituel corse ou nécessité écologique ?

Un héritage culturel profondément enraciné
En Corse, la chasse au sanglier est une tradition vivace, transmise de génération en génération. Elle se pratique principalement en battue, mobilisant des groupes de chasseurs accompagnés de chiens, souvent de race locale comme le cursinu. Ces battues, organisées dans les maquis et montagnes de l'île, sont autant des moments de convivialité que des expressions d'un savoir-faire ancestral.
Le sanglier occupe une place centrale dans la culture corse. Il est au cœur de nombreux récits, chansons et traditions culinaires. Sa chasse n'est pas seulement une activité de loisir, mais un véritable rite social qui renforce les liens communautaires et perpétue une identité insulaire forte.
La chasse, de manière générale, est profondément ancrée dans la société corse. L'île compte environ 18 000 chasseurs réguliers, représentant environ 5 % de la population insulaire, soit plus du double de la moyenne nationale française, qui est d'environ 2 %.
En Haute-Corse, la Fédération Départementale des Chasseurs de Haute-Corse valide annuellement environ 8 000 permis de chasser, témoignant de l'engagement soutenu des habitants dans cette activité.
Une réponse aux défis écologiques et agricoles
Au-delà de son aspect traditionnel, la chasse au sanglier répond à des impératifs écologiques et agricoles. La population de sangliers en Corse a connu une croissance significative ces dernières années, entraînant des dégâts considérables sur les cultures, les pâturages et les infrastructures. Les agriculteurs et éleveurs subissent régulièrement des pertes dues aux incursions de ces animaux dans les champs et les exploitations.
Face à cette situation, les autorités ont adapté la réglementation pour permettre une gestion plus efficace de la population de sangliers. Par exemple, en Haute-Corse, la période de chasse a été prolongée jusqu'à fin février par le préfet de la Haute-Corse afin de limiter les dégâts causés par ces animaux.
Dans certaines zones agricoles particulièrement touchées, telles que la Balagne, cette période est étendue jusqu'au 31 mars. Cette décision concerne les communes comme celles de Calvi, Calenzana, Moncale, Lumio et Aregno, où les sangliers causent des dommages importants aux cultures et aux infrastructures agricoles comme les vignes.
La chasse devient ainsi un outil de régulation indispensable pour maintenir un équilibre entre la faune sauvage et les activités humaines.
Entre tradition et modernité : un équilibre à préserver
La chasse au sanglier en Corse illustre la nécessité de concilier traditions et exigences contemporaines. Si elle demeure un pilier de l'identité culturelle insulaire, elle doit également s'adapter aux enjeux actuels liés à la biodiversité, à l'agriculture et à la sécurité.
En somme, la chasse au sanglier en Corse est à la fois un rituel culturel profondément enraciné et une nécessité écologique incontournable. Sa pratique, encadrée et réfléchie, permet de préserver les équilibres naturels tout en honorant un patrimoine vivant.
Julen Auz-Gaffori