Jeudi 24 avril 2025

Tourisme et logement en Corse : la montée des locations saisonnières, un casse-tête pour les locaux

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La Corse attire chaque année des millions de visiteurs. Cependant, cette affluence touristique entraîne des répercussions sur le marché immobilier local, notamment en raison de la prolifération des locations saisonnières de type Airbnb. Entre pénurie de logements pour les résidents et flambée des prix, l'île fait face à un défi majeur.

Une explosion des meublés touristiques

Selon les informations révélées par l’Informateur Corse Nouvelle, entre 2022 et 2024, le nombre de meublés de tourisme en Corse a connu une augmentation significative, atteignant un pic de 30 000 logements en août 2024, soit 11,5 % du patrimoine immobilier insulaire. Cette croissance s'accompagne d'une hausse du chiffre d'affaires généré par ces locations, passant de 290 millions d'euros en 2022 à plus de 375 millions d'euros en 2024, soit une augmentation d'environ 30%

Un marché immobilier sous tension

L'essor des locations saisonnières entraîne des conséquences directes sur le marché immobilier corse. Selon une étude présentée à Ajaccio en février 2024 par l’économiste Sauveur Giannoni (trouvable sur le site de CléVacances Corsica), une augmentation de 10 % des logements Airbnb entraîne une hausse moyenne de 1,5 % des prix immobiliers. Cet effet est plus prononcé qu'à Barcelone ou au Portugal, en raison de la spécialisation touristique de la Corse, notamment dans les centres-villes d'Ajaccio et Bastia, où la gentrification est notable

De plus, la Corse présente le taux de vacance des logements le plus faible de France, avec seulement 3,2 % de logements vacants en 2020, contre 8,2 % au niveau national. Cette rareté des logements disponibles accentue les tensions sur le marché immobilier, en particulier dans les zones touristiques selon l’INSEE

Des communes en première ligne

Certaines communes corses sont particulièrement touchées par ce phénomène. Ajaccio et Lucciana figurent parmi des 50 villes françaises les plus "gangrenées par Airbnb", avec un nombre d'annonces par habitant équivalent à celui de Paris, selon le magazine Marianne. À Porto-Vecchio, le mouvement politique indépendantiste Core in Fronte dénonce une "dépossession foncière" liée au "système Airbnb", soulignant que des terres autrefois agricoles sont désormais dédiées à des résidences hôtelières de luxe

Des mesures de régulation en cours

Face à cette situation, les autorités ont adopté en novembre 2024 une loi visant à réguler les meublés de tourisme, comme l’est indiqué sur le site du Service Public. Les principales mesures incluent :

  • La réduction des avantages fiscaux pour les meublés touristiques, avec un abattement de 50 % pour les meublés classés et de 30 % pour les non classés.
  • L'obligation pour les meublés de tourisme de respecter des normes de performance énergétique.
  • La possibilité pour les maires de limiter le nombre de jours de location touristique à 90 jours par an pour une résidence principale, de mettre en place des quotas de locations, ou de créer des zones réservées aux résidences principales.
  • Le renforcement des sanctions en cas de non-respect des règles, notamment pour les plateformes ne retirant pas des annonces illégales

Une manne financière pour les communes

Malgré les critiques, les locations saisonnières génèrent des revenus non négligeables pour les collectivités. Selon des données publiées par Airbnb en 2023, cette dernière a reversé près de 4 millions d'euros de taxe de séjour aux communes corses, avec des contributions particulièrement élevées à Porto-Vecchio (plus de 620 000 euros), Ajaccio (plus de 390 000 euros) et Calvi (plus de 200 000 euros)

Vers un équilibre entre tourisme et logement

La Corse se trouve à un carrefour : comment préserver son attractivité touristique tout en garantissant l'accès au logement pour ses habitants ? Les mesures récentes montrent une volonté de réguler le marché, mais leur efficacité dépendra de leur mise en œuvre concrète et de la mobilisation des acteurs locaux. L'enjeu est de taille pour l'avenir de l'île et de ses résidents.

Julen Auz-Gaffori