Foot et violences sexuelles : un éducateur en Balagne impliqué
Dans son dernier numéro d’Enquête Exclusive, M6 a diffusé le 19 novembre dernier un magazine d’information spécial consacré au « Foot et violences sexuelles » réalisé par Caroline Nogueras et Fabien Touati. Au cours de ce reportage, Bernard de la Villardière et ses équipes ont mené une enquête sur plus d’un an, révélant un système défaillant dans la protection des enfants dans le milieu du football amateur en matière de violences sexuelles. Un volet de ce magazine a des ramifications en Balagne où un éducateur est impliqué.
Chacun a encore en mémoire les révélations de la patineuse Sarah Abitbol qui en janvier 2020 avait accusé son entraîneur Gilles Beyer de viols et d’agressions sexuelles. Mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, ce dernier est décédé en janvier 2023. Cette affaire qui avait défrayé la chronique et fait grand bruit dans le monde du sport a conduit les autorités compétentes à mettre en place une déclaration et attestation d’honorabilité. Celle-ci s'applique aux éducateurs sportifs professionnels (ceux qui exercent de façon rémunérée et qui doivent avoir une carte professionnelle), aux exploitants d'établissements d'EAPS professionnels et bénévoles (ce sont certains dirigeants et permanents) et aux éducateurs sportifs bénévoles. Malgré ces obligations, l’enquête très minutieuse de M6 laisse apparaître des failles inquiétantes.
Dans le documentaire d’Enquête Exclusive, on découvre avec stupéfaction la manière avec laquelle les pédocriminels sévissent dans le monde du football. Les recruteurs sont particulièrement pointés du doigt et on apprend qu’un enfant sur sept serait victime de ce fléau qui gangrène le milieu du foot. Une véritable bombe à retardement qu’il convient de désamorcer au plus vite. Cette statistique alarmante a été pointée du doigt par le Conseil de l’Europe et les fédérations sportives. Il faut savoir qu’avec plus de 2,2 millions de jeunes licenciés, le football présente un système défaillant dans la protection de l’enfant.
Aussi bien les clubs amateurs que professionnels sont concernés par ce fléau. « Les jeunes, souvent isolés et en quête de reconnaissance, peuvent facilement devenir des cibles pour des adultes mal intentionnés. L’enquête a mis en lumière des cas troublants, comme celui d’Ahmed Gueninèche, un entraîneur et recruteur condamné pour des crimes sexuels. Ce dernier a abusé de jeunes sportifs pendant trois décennies sans éveiller de soupçons. Eric Olhats, ancien mentor d’Antoine Griezmann, est actuellement mis en examen pour des accusations similaires ».
J’avais honte de moi, je n’osais pas en parler
La Corse, et plus particulièrement la Balagne ne sont pas épargnées. Un éducateur qui a exercé dans les clubs de Biguglia, Casinca, FC Balagne et Santa Reparata di Balagna, Antoni Straboni, 36 ans, est cité à plusieurs reprise dans ce documentaire. Par la voix de Nordine, on apprend notamment que cet individu a été condamné il y a 10 ans à 10 mois de prison pour atteinte sexuelle sur mineur. Ce dernier, éducateur en Île-de-France, a eu l’occasion de côtoyer le prédateur dans son ancien club. Aussi, il a informé de la situation les différents clubs corses où A. Straboni est passé. Bien que fiché au FIJAIS (Fichier Judiciaire Automatisé des Auteurs d’Infractions Sexuelles ou Violentes), le pédocriminel n’a eu aucune difficulté à obtenir une licence de dirigeant pour continuer à exercer dans différents clubs de football et parallèlement d’être embauché dans un collège de la microrégion de Balagne, ce qui prouve bien les failles du système. Informé par le Ministère de la Jeunesse et des Sports du fichage, de l’incapacité à travailler avec des jeunes et d’avoir une licence, les dirigeants de l’AS Santa Reparata ont aussitôt signifié à l’intéressé son licenciement du club.
Un peu plus tard on apprenait que le personnage sévissait sur Calvi où il proposait en toute discrétion des séances privés à des jeunes. L’un d’eux, témoignant dans le documentaire, dénonçait le harcèlement sexuel dont il était victime. « Des fois il m’attendait devant chez moi pour me mettre des coups de pression. Plusieurs fois il m’a envoyé de l’argent en me disant qu’en contrepartie je devais lui faire plaisir, m’obligé à me sentir redevable (…) Je me sentais isolé, mal d’avoir accepté cet argent, j’avais honte de moi, je n’osais pas en parler. »
Finalement c’est un adulte qui va venir à la rescousse en menant sa propre enquête et en constatant que plusieurs jeunes mineurs auraient été victimes de ce prédateur. Un soir, sur un appel au secours de l’adolescent, l’homme surprend Antoni Straboni nu devant sa victime, une situation qu’il a mal supporté et qui lui vaudra de rendre des comptes à la justice.
Suite à cette affaire, une enquête préliminaire est ouverte à l’encontre d’Antoni Straboni, aujourd’hui en liberté.
TEXTE GILBERT GUIZOL