Jeudi 18 mars 2021

L'oeil de Marvina ou l'art du détail

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Marvina Scarpellini
Marvina Scarpellini, jeune photographe talentueuse ajaccienne, a une passion pour les corps, qu'elle photographie, détaille, sublime et met en valeur dans des scènes du quotidien.
Elle vient de lancer un projet photo avec Bastien Caraccioli, jeune sportif prometteur amputé d'un bras, afin de promouvoir par l'image le message positif qu'il véhicule avec les « Imbasciatrice è imbasciatori spurtivi di Corsica » de la Collectivité de Corse.

Marvina Scarpellini est une toute jeune photographe de 24 ans. Artiste dans l'âme, elle a commencé tôt par le dessin et a décidé de se diriger vers une classe préparatoire aux écoles supérieures d'arts à Sartène.

Après avoir touché un peu à toutes les disciplines artistiques en prépa, elle a opté pour l'école des beaux-arts de Nîmes. C'est là-bas qu'elle a beaucoup travaillé sur le nu et sur le corps en général, et qu'elle a choisi un jour de se diriger vers la photographie, « j'ai fait des compositions à partir de différents corps, c'est un sujet qui me passionne ».

Pour un projet photo, elle a choisi de travailler sur le corps et sa fragilité. Un sujet qui la frappait de très près, Suzanne, sa maman venant de tomber malade, et elle lui a proposé de faire ce travail avec elle, comme une sorte d'art-thérapie. « Ma maman souffre d'une maladie génétique physique, que l'on ne voit pas forcément lorsqu'elle n'est pas en crise, mais qui fait partie de ces handicaps « invisibles ». J'ai fait ça pour l'aider à accepter son corps, pour qu'elle se regarde, qu'elle voit l'évolution ».

Un projet sur un an et demi qu'elle a nommé Existis, durant lequel Marvina a photographié sa maman dans son quotidien, avec parfois des photos très intimes, parfois plus globales, une façon d'attirer le regard sur sa maladie très invalidante et peu visible « je l'ai fait sous la forme d'un journal, on la voit elle, des parties de son corps, de son environnement, c'est sa vie quoi… ».

Un journal qui a été un véritable déclencheur chez Marvina, qui lui a fait comprendre ce qu'elle voulait faire de sa vie « la photo ce n'est pas juste de beaux paysages, ou de belles choses. J’aime m'attarder sur les détails, je veux dévoiler, composer, rentrer au cœur des choses. Le détail est affaire de révélation ».

Après les beaux-arts, elle a décidé de faire de la photo son métier, a cumulé pendant un an les petits boulots pour pouvoir s'offrir enfin le studio dont elle rêvait. Elle a ouvert le 16 décembre 2020, en pleine crise du covid « Je me suis dit qu'il fallait se lancer à un moment donné. Personne ne sait quand ça va s'arranger, donc à quoi bon attendre ? J'ai décidé de foncer ! ».

Je prête beaucoup d'attention aux détails parce que pour moi c'est ce qui permet de voir une chose dans son entièreté

Depuis l'ouverture de son studio, la jeune femme travaille sur des sujets plus « classiques », comme des portraits, des book de maquillage ou de modèles, des shooting de famille, de grossesse, de mariages, tout en y intégrant sa « patte », son regard d'artiste sur les détails, en privilégiant les photos naturelles plutôt que les poses. « J'essaie de créer un moment où les gens se sentent à l'aise, je n'aime pas les poses figées, et je prête beaucoup d'attention aux détails parce que pour moi c'est ce qui permet de voir une chose dans son entièreté » explique la photographe. « De ce qui est petit, j'aime faire quelque chose de grand, j'aime lui donner de l'importance. Par exemple, dans un paysage, je vais plus m'attacher à une pierre, une fleur, et composer avec les détails plutôt qu'avec le paysage lui-même ».

La photographe n'a pas envie que son studio soit juste un lieu où on vient se faire prendre en photo, elle a envie qu'il vive, qu'il accueille des expos d'autres artistes, que les gens viennent juste pour discuter de la photo ou de toute autre forme d'art, qu'il soit vraiment un lieu de partage. Elle va d'ailleurs proposer très bientôt des ateliers de développement photo, une de ses passions. Argentique ou numérique, elle développe ou imprime tout désormais au studio.

Je veux montrer comment on s'adapte dans la société, comment on vit avec une particularité, comment on avance, comment on s'en sort : c'est ça la base du projet

Marvina vient de s'engager dans un projet avec Bastien Caraccioli, l'un des 6 « Imbasciatrice è imbasciatori spurtivi di Corsica » nommés en 2019 par la Collectivité de Corse, afin de promouvoir la pratique sportive, de transmettre les valeurs sportives, humanistes et citoyennes auprès de différents publics, et notamment auprès des jeunes. Sélectionné dans la catégorie handisport, le jeune homme de 26 ans originaire d'Argiusta-Moriccio, a été amputé d'un bras en 2017, suite à un accident de la route.

« Je voulais faire un projet dans le style de celui que j'ai fait avec ma maman, mais cette fois au sujet d'un handicap visible. Je suivais déjà Bastien sur les réseaux, sans le connaître. Je lui ai proposé de l'accompagner pendant 1 an, dans son quotidien, dans ses interventions, ses activités, encore une fois dans les détails pour montrer un ensemble » détaille la jeune photographe. « Une nouvelle fois, je veux montrer comment on s'adapte dans la société, comment on vit avec une particularité, comment on avance, comment on s'en sort : c'est ça la base du projet ».

Bastien à tout de suite adhéré au projet « lorsque Marvina m'a contacté sur les réseaux sociaux, l'idée m'a emballé immédiatement. J'ai tout de suite vu qu'elle était dynamique, positive, et c'est du bonus pour tout le monde. Elle m'a déjà accompagné dans mes interventions en milieu scolaire, où je présente mon parcours qui est un peu atypique, et où je prône les valeurs du sport ».

C'est en effet le sport qui a permis au jeune homme, plutôt adepte des sorties nocturnes que des courses de trail dans sa vie « d'avant », comme il avoue lui-même, de tourner la page et de reprendre le dessus après son amputation « ça fait à peine 3 ans que je cours, et le trail m'a permis d'assumer à 100 % ma différence, en faisant des choses que certaines personnes dites valides ne font pas. En toute humilité, je suis en plein essor dans ma carrière, et j'ai trouvé normal de soutenir Marvina dans son projet, elle a 24 ans, elle se lance, et j'ai envie de l'accompagner au mieux, dans sa nouvelle aventure professionnelle, comme on l'a fait pour moi ».

Avec ce projet, Marvina, toujours dans la positive attitude, veut mettre l'accent sur la force de caractère de Bastien « c'est son quotidien à lui vu à travers mes yeux, c'est ma vision de lui et du message qu'il souhaite faire passer : il n'est pas là pour faire de la prévention, il est surtout là pour dire que même s'il t'arrive une chose terrible, tu peux continuer à avancer, à t'adapter, à te dépasser. Il ne faut jamais reculer, jamais renoncer, jamais abandonner. Et ce message me parle énormément, il mérite d'être relayé ».

La collaboration entre Marvina et Bastien vient de débuter, et l'on pourra la suivre tout au long du projet sur les réseaux sociaux des deux protagonistes.

Texte Sylvie Gibelin

Pour suivre Marvina : Facebook, Instagram, site internet 

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