Mardi 18 mai 2021

Marianna Calandrini, réalisatrice au sang bleu

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Marianna Calandrini
Avec « Parolla Turchina », son prochain documentaire prévu à l’automne, la réalisatrice va boucler une trilogie qui met à l’honneur l’histoire du Sporting Club de Bastia, son peuple bleu et tout ce qui gravite autour. Cette passionnée s’investit toujours à 100% dans ses projets. Son immersion au cœur du club depuis 2015 nous permet d’en apprendre plus sur cette équipe, véritable vitrine du football corse à travers l’Europe et le monde.

Comédienne de formation, Marianna voulait passer à la réalisation pour défendre sa culture, son histoire et sa langue. Elle quitte son métier afin de se consacrer pleinement à la réalisation et passe des formations en écriture, montage et concrétise tout cela avec un projet sur le pastoralisme. Des thèmes toujours très engagés sur les prisonniers politiques, les marins de la SNCM et les marins pêcheurs avec des intervenants de renoms tels que José Bové, Pierre Joxe, Michel Rocard et Olivier Besancenot.

« Issue de la diaspora, je fantasmais sur mon île. J’avais la volonté de laisser des traces de ce que j’entendais dire par les anciens. Mes documentaires au départ étaient très chargés sur le plan affectif et émotionnel avec une atmosphère pesante, des chants très lourds. Mon objectif est véritablement de transmettre mais aussi de faire taire les préjugés car avant de rentrer définitivement sur l’île en 2005, j’étais souvent confrontée à une forme de racisme. Sur le continent on est dans l’obligation de convaincre, de lutter contre les clichés parfois véhiculés par les médias nationaux et la méconnaissance de la Corse ».

 

Une trilogie sur le Sporting Club de Bastia

 

Ce sont déjà 2 documentaires, « Simu tutti turchini » (52mn) proposé sur Via Stella il y a un an et demi et « Sempre Turchini », un long métrage de 90mn qui sont sortis.

Marianna voulait depuis longtemps parler du SCB. En 2015, alors que le club évolue encore en L1, le projet prend forme avec comme source d’inspiration le gardien du temple : Jo Bonavita. Touchée par l’ADN de ce petit club qui se distingue des autres, par son identité qui dépasse le cadre de la ville, elle se lance dans l’aventure.

Marianna est très sensible à l’aspect financier, car voir un club avec le plus petit budget se battre chaque année l’interpelle. La réflexion se porte sur les moyens mis en œuvre pour se maintenir dans l’excellence, dans une mondialisation effrénée, où certains clubs sont financés par des puissances économiques comme le Qatar.

Elle assiste en 2017 à la rétrogradation administrative du club en N3 et le danger de voir disparaître le Sporting, qui sera sauvé par la mobilisation des socios et du peuple bleu grâce à la mise en place d’un nouveau modèle économique, unique en France, une mobilisation et un engouement qui dépasse les frontières insulaires.

« Le Sporting, c’est la vitrine sportive et culturelle de la Corse. Ce documentaire s’imposait comme tel car le Sporting rassemble toute une île et toutes les strates sociales de la société corse. Je débute en 2015 avant la chute administrative de 2017 et la double peine infligée au club avec cette descente aux enfers en N3. Jo m’a donné envie de faire ce film, il est le fil conducteur de cette trilogie. Jo avance en âge, c’est véritablement la mémoire du club et il fallait absolument laisser une trace. Au même moment, mon fils intégrait à 6 ans le Sporting et le parallèle entre les générations était intéressant, pour moi ça avait du sens.»

Parolla turchina, ultime volet de cette trilogie sortira à l’automne et durera 52 minutes. C’est un partenariat entre via Télé Paese, la CDC, le CNC, YN productions et libertà production, la société que Marianna a créé en 2008.

Jo Bonavita sera encore le fil conducteur car son rôle d’unificateur entre les joueurs, les dirigeants et les socios en fait un pilier du club. Ce documentaire posera aussi la question de la place du foot dans la société Corse en faisant des parallèles avec l’Angleterre et l’Italie.

Ken Loach, le réalisateur anglais invité au festival britannique de Bastia en 2017, interviendra dans ce documentaire, lui qui se revendique comme étant avant tout un fan de football.

« J’ai une chance, quand je fais mes reportages et que je demande à des personnalités connues d’intervenir, ils acceptent tous volontiers. Ken Loach se définit comme un fan de football, il a investi dans le club de Bath dans une coopérative ressemblant au modèle des socios bastiais, en plus le club et la ville ont plus ou moins des structures proches de celle de Bastia, on peut faire un parallèle. Ce qui est intéressant avec lui, c’est qu’il pose une dimension universelle du foot, sa place dans le monde et de ses bienfaits. »

Une trilogie qui ne laisse pas insensible tous les passionnés du Sporting et de ballon rond. Marianna est devenue un visage familier pour tous ceux qui ont le sang bleu qui coule dans les veines et qui s’impatientent de voir cet ultime volet.

Le futur projet aura un caractère très différent et se rapprochera plus d’un docu-fiction, elle sera accompagnée de son partenaire et collaborateur de toujours, Maurice Bastid.

Elle concède volontiers que sans lui, les projets auraient du mal à voir le jour : « Maurice monte les films depuis le premier volet sur le Sporting, il compose et produit aussi une partie de la musique des documentaires. Avec sa société MB prod, c’est lui qui produit une quantité non négligeable des albums insulaires et il est vraiment un maillon essentiel dans mes projets, je profite de l’occasion pour le remercier car sans lui tout serait beaucoup plus compliqué. »

Texte François Colombani