Jeudi 24 avril 2025

I Custodi di u Castagnetu- les gardiens de la châtaigneraie : la culture de la châtaigne sur l’île

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Une dizaine de « Custodi » italiens étaient récemment sur l’île. A l’occasion de cette visite, des amoureux de cet arbre emblématique de notre île ont présenté la version corse des collectifs italiens, avec «I Custodi di u Castagnetu ».

Dans le cadre d’un projet de la « European Cultural Foundation », une belle délégation de Custodi del Castagneto originaires de Piémont, de Toscane, d’Alto Adige d’Emilia Romagne et du Lazio a parcouru la Corse quatre jours durant pour découvrir la culture de la châtaigne sur l’île. L’occasion aussi pour le collectif corse, «I Custodi di u Castagnetu- les gardiens de la châtaigneraie » de se faire connaitre  

« Le châtaignier est notre arbre-ressource : Per cinque seculi, ci ha accumpagnatu, da u veculu à a cascia » explique Vannina Bernard-Leoni, à l’origine du projet d’un collectif corse. « Il a fourni l’alimentation des hommes et des animaux, il a donné le bois de chauffage, le bois de construction et d’artisanat, il a façonné nos paysages et nos imaginaires ». Las, au fil des ans, cet arbre majestueux a été fragilisé par les bouleversements de la modernité et l’exode rural massif qui en a découlé. « L’élan du Riacquistu a permis de maintenir quelques forces et à partir des années 1980, une filière s’est structurée avec passion et efficacité ». Hélas, ces dernières années, le cynips est venu freiner son essor, grignoter la passion, démoraliser les castanéiculteurs. «La situation est aujourd’hui critique » alerte Vannina, «vieillissement des arbres, vieillissement des professionnels, réchauffement climatique, conflit d’usages de la châtaigneraie, baisse de la production, changement des habitudes de consommation ». Restent heureusement des irréductibles et pour donner un avenir à la châtaigneraie, ils se mobilisent et appellent à se mobiliser. «Nous pensons que les Corses peuvent se mobiliser et exprimer leur attachement à l’arbre. Il faudrait une politique ambitieuse en faveur de la châtaigneraie en Corse, avec replantation, restructuration foncière, formation, stratégie multisectorielle, etc… et nous chercherons à la susciter, mais cela passe aussi par des initiatives personnelles ». 

Ces défenseurs de la châtaigneraie corse ont pris contact avec les « Custodi del Castagneto delle Alpi Liguri » et les « Custodi del Castagneto delle Alpi Appuane ». Ce réseau mis place par nos voisins italiens est très actif à travers toute la péninsule, rassemblant des passionnés de châtaigniers désireux d’échanger bonnes pratiques, bonnes énergies et bons moments, entre soin des arbres, operate et gastronomie. « Ils sont liés au mouvement Slow Food, qui œuvre pour que l’alimentation reste liée à la biodiversité, naturelle et culturelle, en valorisant les saveurs et les traditions locales » souligne V. Bernard Leoni. 

Une délégation de ces « Custodi del Castagneto » de Piémont, de Toscane, d’Alto Adige et d’Emilia-Romagna étaient récemment en Corse. « Leur venue en Corse était pour nous une belle occasion de présenter leur dynamique et de montrer comment on peut s’en inspirer. On souhaite à travers notre propre collectif, I Custodi di u Castagnetu, renforcer l’efficacité et l’impact de chaque projet car si depuis quelque temps les initiatives et les projets autour du châtaignier se multiplient, portés par des professionnels, des institutions, des collectivités, des associations, peu de liens existent entre ces élans. A titre individuel chacun d’entre nous peut être utile à l’avenir de la châtaigneraie : En prenant soin des arbres et en savourant leurs produits. Les actions, les initiatives sont multiples: Apprendre à greffer, apprendre à soigner, apprendre à planter, à entretenir, apprendre à cueillir, apprendre à transformer, apprendre à cuisiner, apprendre à regarder, apprendre à reconnaître, apprendre à transmettre, apprendre à célébrer » conclut, enthousiaste 

La visite des italiens en Corse s’est déroulée sur plusieurs jours et plusieurs territoires, avec visites de châtaigneraies, mais aussi des sites associés à cette culture, comme moulins, séchoirs ou encore vestiges des anciennes usines de tanin qui ceinturent la Castagniccia. Un temps fort, à Bocognano, où chaque année on célèbre l’arbre nustrale. Le collectif corse y a proposé dans les locaux de la mairie : tables rondes, présentations des collectifs, projection du film documentaire « Innesti » de Sandro Bozzolo, le récit de la renaissance d’une châtaigneraie entre Ligurie et Piémont. « De ces journées, de ces rencontres, un constat s’est dégagé : la châtaigneraie corse est aujourd’hui très dégradée » souligne V. Bernard-Leoni. «Le foncier est toujours éclaté, les castanéiculteurs peu nombreux, les arbres sont vieux, et même si la bataille contre le cynips a été gagnée, il faut penser à replanter, et prendre en compte les nouvelles contraintes du réchauffement climatique, des changements de mode de vie et de consommation alimentaire qui semblent marginaliser le châtaignier ». 

Un brin d’optimisme toutefois puisque pour Patricia Soullard, de la Chambre régionale d’agriculture, qui pointent des jeunes qui s’installent à nouveau en castanéiculture aujourd’hui. Autre raison d’espérer en des jours meilleurs : Les différents acteurs présents aux tables rondes ont manifesté leur désir de consacrer un peu de leur temps et de leur compétence à la châtaigneraie, tous sont prêts à se rassembler pour devenir « Custodi di u Castagnetu ». 

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