Lundi 16 juin 2025

Via Occitanie : clap de fin pour une télé locale emblématique 

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C’est une voix régionale qui va s’éteindre cet été. ViàOccitanie, l’une des plus anciennes chaînes locales du pays, cessera d’émettre fin juillet. Une disparition qui illustre la fragilité des médias de proximité, pris en étau entre baisses de subventions, absence de modèle économique stable, et désintérêt des décideurs. Une page se tourne, dans l’indifférence nationale, mais avec amertume pour ceux qui y croyaient encore.

Une fin annoncée sans bruit. Le 28 mai dernier, les salariés de ViàOccitanie apprenaient, sans ménagement, que leur chaîne allait disparaître. À peine deux mois de préavis. D’ici le 25 juillet, l’écran deviendra noir pour les quatre fréquences locales implantées à Toulouse, Montpellier, Nîmes et Perpignan. Un arrêt brutal, mais sans surprise : depuis plusieurs années, ViàOccitanie luttait pour survivre.

Le groupe La Dépêche du Midi, propriétaire de la chaîne depuis 2021, a confirmé ne plus pouvoir porter ce projet dans un "contexte économique structurellement difficile pour les télévisions locales". Une formule qui masque une réalité plus crue : l'argent ne suit plus. Et la volonté politique non plus.

Des chiffres qui témoignent d’un désengagement

Selon nos confrères de France 3, la baisse du financement régional a joué un rôle décisif dans la chute du média. Le Contrat d’Objectifs et de Moyens (COM) entre la Région Occitanie et la chaîne est passé de 975 000 euros en 2024 à 475 000 euros en 2025. Une coupe de 500 000 euros, inattendue pour les équipes, à laquelle personne n’a officiellement voulu répondre côté Région. Mais qui laisse des traces.

À l’heure actuelle, seuls 6 des 18 salariés en CDI seraient conservés pour de la production de contenus externes. Les 12 autres, dont la moitié a plus de 50 ans, vont perdre leur emploi. Il ne resterait plus aucun journaliste.

Une disparition qui dépasse un simple média

“On les débranche”, souffle un billet d’humeur écrit avec douleur et dignité. Car derrière les chiffres et les décisions stratégiques, il y a des visages, des histoires, des combats du quotidien. ViàOccitanie ne se contentait pas de diffuser un JT. Elle parlait occitan. Elle filmait les marchés, les écoles de village, les associations. Elle faisait ce que les grandes chaînes ne font plus : raconter le local.

L’audience était pourtant là, avec en moyenne 52 800 téléspectateurs quotidiens, d’après Médiamétrie. Des partenariats avec le sport régional, des documentaires produits en Occitanie, des rendez-vous réguliers autour de l’information de proximité : tout cela va s’évanouir. Et avec lui, une mémoire collective.

Une utopie régionale qui s’effondre

Lancée en 2017 après plusieurs fusions et rachats successifs, ViàOccitanie était née d’un projet audacieux : fédérer 22 chaînes locales sous une même bannière, mutualiser les contenus, partager les revenus publicitaires. Une tentative de créer un réseau de télévisions régionales capable de rivaliser avec les grands groupes, tout en gardant les pieds dans la terre des territoires.

Mais l’utopie n’a pas résisté aux logiques de rentabilité. Ni aux calculs politiques. “Être utile ne suffit plus à survivre”, résume avec amertume le billet d’humeur. Et l’on ne peut que s’inquiéter : si même les chaînes locales, au contact direct du public, n’ont plus leur place dans le paysage audiovisuel français, qui racontera demain les histoires des territoires oubliés ?

Une voix qui s’éteint, un vide qui s’installe

“Couper une télé locale, ce n’est pas juste couper un signal. C’est faire taire une voix.” ViàOccitanie ne reviendra pas. Le groupe DDM évoque un manque de viabilité économique. Mais pour ceux qui y travaillaient, pour ceux qui la regardaient, pour ceux qui y croyaient, c’est un crève-cœur. Un aveu d’échec collectif. Une alerte sur l’avenir des médias de terrain.

Dans un paysage où tout semble converger vers les grandes métropoles, où l’info se standardise, la disparition d’une chaîne comme ViàOccitanie, c’est aussi la disparition d’un ancrage. Une télévision faite “par et pour les gens d’ici”, loyale, sincère, humaine. Et ça, aucune chaîne nationale ne pourra jamais le remplacer.

Sharon Rouanet

credit photo : facebook de @DidierCodorniou