Samedi 19 mars 2022

La tournée d'adieu du C160 Transall passe par Calvi

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Après 59 ans de bons et loyaux services, le C160 Transall de l'Armée de l'air entame une tournée d'adieu au-dessus de la France. Ce week-end, il est à Calvi pour saluer le 2e Régiment Étranger de Parachutistes avec qui il a accompli de nombreuses missions et effectué un nombre incalculable de largages, comme ce fut le cas hier encore.

Comme une symbolique, hier, vendredi 18 mars, sur le tarmac de l'aéroport Sainte-Catherine de Calvi, entre 13h30 et 14h00, un Airbus A400M, nouveau fleuron de l'Armée de l'air et un C160 Transall se sont croisés. Le premier venait de participer à un exercice avec les légionnaires du 2e REP de Calvi et le second se posait pour embarquer des militaires du 2e REP de Calvi et effectuer une série de largage en automatique et en chute libre.

Ce ballet du Transall dans le ciel de Calvi auquel on a été habitué durant des années et des années était le dernier. En effet, après 59 ans à voler aux quatre coins du monde pour soutenir les forces françaises et alliées, le C160 Transall recouvert d'une livrée spécialement dédiée est en train d'effectuer une tournée d'adieu de 3 semaines au-dessus de la France.

Quand on connaît la complicité existante entre le 2e REP et les équipages du Transall, au cours des différentes missions à travers le monde, Calvi était un passage obligé.

« Nous sommes effectivement en tournée d'adieu du C160 qui tirera sa révérence au début du mois d'avril. C'est pour nous l'occasion de dire un au revoir à toutes les unités avec qui on a volé et avec qui on a été en mission. Le Transall était encore engagé il y a peu dans l'opération Barkhane au Mali. Il est encore dans les forces spéciales et au GAM à l'unité DGSE. Il y avait également la version Transall Gabriel qui est une version électronique, qui est à Evreux, et qui va s'arrêter en même temps que le reste. Je pense qu'il doit rester à l'heure actuelle 5 Transall C160 » confie avec un brin de nostalgie un officier, membre de l'équipage.

Et de conclure : « L'appareil que vous voyez aujourd'hui à Calvi trouvera sa place au musée de Toulouse et d'autres iront au musée du Bourget. Une association devrait également en récupérer. Personnellement j'ai volé sur cet avion depuis 2014. Avec l'arrêt de celui-ci, je vais poursuivre ma carrière sur l'A400M. C'est sûr que c'est toujours avec un petit pincement au cœur que l'on voit partir un avion sur lequel on a fait une partie de notre carrière ».

Le capitaine rejoint ensuite le cockpit pour se préparer à embarquer les militaires du 2e REP pour des largages en automatique et en chute libre au-dessus de la baie de Calvi.

La Transall, produit de l’amitié franco-allemande

Le début de l’amitié franco-allemande a donné naissance au C160 Transall. L'Allemagne et la France cherchent en 1957 à remplacer leurs N-2501 Noratlas qui deviennent trop âgés et trop petits pour les opérations de l'époque. L’Italie devait également participer à ce projet mais s’est très vite retirée.

Ainsi, le consortium Transport Allianz est créé grâce à une association de Nord-Aviation, Weser Flugzeugbau et Hamburger Flugzeugbau. L’entreprise compte trois sites de production : Bourges (département du Cher, France), Brême (land de Brême, Allemagne) et Hambourg (land d’Hambourg, Allemagne).

Le premier vol a eu lieu le 25 février 1963 sur la base de Melun-Villaroche (département de la Seine et Marne, France) et le premier appareil entre en service en 1967. Une deuxième série est lancée spécifiquement pour l’Armée de l’Air et de l’Espace à la fin des années 70. Le premier vol d’un C-160NG (nouvelle génération) a lieu le 9 avril 1981 à Toulouse (département de la Haute-Garonne, France). En tout, 29 C-160NG seront produits.

L’entièreté de la flotte française de C-160F et C-160NG est rénovée entre 1994 et 1999 pour passer au standard C-160R (rénové). Un cinquième réservoir est ajouté au-dessus du fuselage. Ils sont tous équipés d’une perche à l’avant pour pouvoir être ravitaillés en vol. Une petite partie de la flotte est aussi modifiée afin de servir de ravitailleur tactique : un système probe-and-drogue est ajouté à la carène gauche du train d’atterrissage. Il peut transporter 91 passagers ou 12,5 tonnes de fret, avec 5 membres d’équipage et ce, sur environ 1850 km. Il existe aussi une version de guerre électronique, le C-160G Gabriel ; analyse des communications (COMINT), des émissions radars et électromagnétiques (ELINT) et des communications cryptées ou émises par des téléphones satellites (COMINTECH).

Le C-160NG a également participé à des essais de ravitaillement en vol d'un A400M. Extérieurement, les quelques C-160NG pouvant ravitailler d'autres avions sont identifiables grâce à la carène gauche plus longue (la porte arrière gauche est justement condamnée) et les marquages rouges présents sur celle-ci. 

De Kolwezi à Barkhane : le transporteur tactique de l'Armée de l'Air

La première mission de combat d’un C-160F a lieu le 19 mai 1978 : deux C-160F participent à l’opération aéroportée Bonite visant à larguer la première vague du 2ème Régiment Étranger de Parachutistes sur la ville de Kolwezi, avec le succès que nous connaissons tous.

La plupart de la flotte effectuera ses heures de vol en Afrique en soutien aux opérations extérieures. D'ailleurs, la base escale de N'Djamena (Tchad) pouvait compter jusqu'à 8 Transall pré-positionnés en fonction des besoins des troupes françaises mais aussi des forces alliées dans la région. Ils participent aussi aux opérations dans les Balkans, au Koweït ou encore en Afghanistan. Le Transall est aussi présent dans les Outre-mer.

Un remplacement compliqué

Le Transall devait se retirer aux environs de 2005 au profit du nouvel A400M. Cependant, l’A400M met du temps à se développer. Une partie des avions est mise à la retraite. Le rôle de transporteur tactique est assuré par les CASA/Airbus Military CN-235.

Le transport stratégique est plus compliqué : il est d’abord réorienté vers les C-130H Hercules. Ces derniers seront aussi remplacés par les A400M mais aussi par 2 C-130J et 2 KC-130J.

Une retraite plus que méritée...

Il aura largué plusieurs générations de parachutistes, effectué un nombre incalculable d'opérations humanitaires ou encore d’évacuation de ressortissants sur de nombreux théâtres d'opérations. Aujourd’hui, le C-160 Transall peut tirer le rideau après avoir été engagé sur la totalité des opérations extérieures depuis les années 70 jusqu’à très récemment où en novembre 2021, les deux avions situés à Niamey en soutien à Serval/Barkhane sont retirés d'Afrique et sont remplacés par les rotations de nouveaux C-130J.

... et un dernier grand tour avant de baisser le rideau

Le remplacement avait déjà commencé depuis plusieurs années. Aujourd’hui, l’Armée de l’Air et de l’Espace peut compter sur 18 Airbus A400M (32 doivent encore arriver), 19 CASA-100 et 8 CASA-300.

Le dernier appareil a été recouvert d’une livrée spécialement dédiée à cette occasion. Durant les trois prochaines semaines, le Transall va effectuer plusieurs vols au-dessus de la France, qui se terminera le 3 avril prochain par un dernier atterrissage à Orléans.

Reportage Gilbert Guizol