Lundi 16 janvier 2023

Le projet d’aménagement des îles de la Pietra fait des vagues

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RINATU FRASSATI
Ce matin à 11 heures, une réunion s'est déroulée dans les salons de l'hôtel « La Pietra » à l'Ile-Rousse, en présence d'un très nombreux public, au sujet du projet d’aménagement des îles de la Pietra. Commerçants, plaisanciers et usagers du port de Lisula ont exprimé leurs inquiétudes et leur colère sur le déroulé de l'aménagement des îles de la Pietra et ses conséquences.

Bien avant que ne débute cette réunion, nombreux étaient ceux à se presser dans la salle de l'Hôtel. Un dossier de presse très détaillé, sur les tenants et les aboutissants était à disposition.

Le sujet de cette réunion portait principalement sur le projet d’aménagement des îles de la Pietra par le conservatoire du littoral dont le chantier débutera le mois prochain sans interruption, hormis au mois d’août, et ce jusqu’au mois de décembre. 58 places de stationnement étaient prévues dans un premier projet validé en 2021 avant d’être modifié à la demande de la municipalité en place. Aujourd’hui il n’y a plus de places de stationnement prévues dans le projet, ce qui pénalise fortement les commerces du Port et explique la colère des commerçants, plaisanciers et usagers. 

À la tribune, c'est Marie Pascale Luciani, co-propriétaire de l'Hôtel de la Pietra, avec son frère Jean Luciani et de deux de ses cousines, Christine Luciani et Emeline Luciani, expliquait que cette réunion avait pour objet d'alerter l'opinion publique et d'apporter toutes les informations nécessaires à la bonne connaissance du projet de réaménagement des îles porté par le Conservatoire du littoral, propriétaire du site depuis 2012.

« Nous avons cru aux promesses, nous avons attendu, nous avons espéré. Mais ce 10 janvier au matin, le couperet est tombé, le Conservatoire du littoral nous convoquait à un rendez-vous le jour-même pour discuter des travaux sur les îles. Date retenue : première quinzaine de février, et ce jusqu'au 1er décembre, quasiment sans interruption, sous peine selon les dires même du Conservatoire de perdre la subvention de France Relance. Il est donc urgent pour nous d'expliquer certaines choses, le comment. En revanche, nous ne pourrons expliquer le pourquoi, et là est la grande question. C'est un dossier long et complexe à propos duquel de nombreuses contre-vérités ont été distillées » précisait Marie Pascale Luciani avant d'ajouter qu'un dossier de presse était à la disposition de tous sur la chronologie détaillée et exhaustive de l'évolution du projet. Ce dossier sera du reste transmis à des dizaines d'organismes nationaux de presse et à des personnalités.

Madame Luciani rappelait également que depuis plus de 5 ans, en concertation avec les socioprofessionnels, l'ancienne mairie, dont l'ancien maire Jean-Jo Allegrini-Simonetti était présent, tous travaillaient sur un projet qui avait abouti en 2021.

« Ce projet qui convenait à tout le monde, et surtout à l'intérêt public, a été validé par la préfecture en octobre 2021 car c'est le préfet qui instruit ce dossier, en aucun cas la mairie et aucun recours n'a été porté contre lui. Ce projet, comprenez-le, est toujours valable aujourd'hui. Qu'est-ce qu'il y avait dans celui-ci ? L'aménagement des îles, identique à ce qui est prévu aujourd'hui : promenade paysagère et toutes les missions écologiques du Conservatoire, à la seule différence qu'était prévue une petite aire de stationnement de 58 places (au lieu des 200 places anarchiques actuelles), une aire paysagée et arborée, réservée uniquement aux voitures et non comme l'a dit la mairie aux camping-cars ou autres camions. 58 places c'était déjà bien peu, mais aucun d'entre nous ne l'a contesté dans un souci de compromis et de concertation. Un projet équilibré avait donc été trouvé par le Conservatoire, en collaboration intelligente et pacifiée entre tous les interlocuteurs, et si les choses avaient suivi leur cours normal, les îles seraient déjà aménagées aujourd'hui. Mais, pourquoi faire simple ! ».

Marie-Pascale abordait ensuite un deuxième point, celui de « l'intrusion intempestive de la nouvelle élue municipale qui va tout remettre en question. Pour des raisons qui nous échappent complètement, Madame le Maire, et je cite les propos de Mme Stéphanie Maraninchi du Conservatoire du Littoral, a demandé expressément au dit Conservatoire de modifier son projet et de supprimer l'aire de stationnement. Une décision prise d'autorité, sans aucune discussion, sans la moindre information et encore moins de négociation. À partir de ce moment-là s'est enclenchée la machine de la mise à mort de nos commerces. Plus de stationnement pour nos établissements, plus de places pour les promeneurs, les familles avec enfants en bas âge, deux places seulement  pour les personnes à mobilité réduite, plus rien pour les personnes âgées. Je ne comprends pas car c'est incompréhensible ! Je veux aussi vous dire que tout a été masqué, fattu à l'appiattu. Nous avons appris la chose par la rumeur. Madame Marchetti, contactée par nos soins, nous a confirmé le projet et nous a dit que Madame le Maire s'était engagée à nous annoncer la “bonne nouvelle” et à nous aider à trouver des solutions. Première facétie d'une longue série ! Commence alors pour nous un long chemin semé d'embûches et de chausses trappes ».

Nous défendons aussi l'intérêt général de tous, et surtout nous nous battons pour une autre conception de la politique…une politique ouverte au dialogue

La copropriétaire de l'Hôtel de la Pietra évoquera ensuite « des rendez-vous demandés restés sans réponse jusqu’au jour où Benjamin Genuini, adjoint à l'urbanisme, arrive à obtenir un rendez-vous qui s'est soldé par un entretien surréaliste dans lequel il a été quasiment impossible d'en placer une et au cours duquel Madame le Maire a bien confirmé son opposition à toute place de stationnement sur les îles et qui n'a pas paru comprendre nos inquiétudes. Autre énormité proférée lorsqu'elle nous a dit que la CCI, partenaire de la mairie, nous donnerait des places de stationnement. Elle nous a même promis une réunion en Mars avec la Chambre...! La réponse de M. Jean Dominici, président de la CCI, à qui nous avons fini par écrire et nous dit comprendre et compatir à nos problèmes, avant de nous indiquer n'avoir jamais été associé au projet et de nous dire fermement qu'il n'est pas possible légalement de nous accorder la moindre place de stationnement ».

Marie Pascale Luciani ajoutait qu'avec Hyacinthe Canava ils ont pris des avocats et ont introduit un recours gracieux pour attaquer le permis modificatif du Conservatoire, accordé par le Préfet en Mars 2022. Un recours gracieux qui leur donnerait le temps à tous de se mettre autour d'une table et de dialoguer pour trouver une solution. Tous déplorent le silence-radio des instances concernées, y compris celle de Gilles Simeoni, Président de l'Exécutif.

L'intervenante répondait à de fausses rumeurs véhiculées avant de conclure : « Tout le monde ici aura compris que nous ne défendons pas seulement nos intérêts de commerçants, comme on peut l'entendre de la part de soutiens de la Mairie et comme si ce mot commerçant était une insulte. Non! non! Nous défendons aussi l'intérêt général de tous, et surtout nous nous battons pour une autre conception de la politique, la politique au sens noble du terme, une politique ouverte au dialogue, avec des citoyens soucieux de créer les infrastructures nécessaires au développement de la cité. En un mot une politique soucieuse de démocratie et surtout de justice ».

L'accès aux îles devrait être interdit au public du début des travaux prévu du en Février et ce jusqu’à début décembre 

Gérant de l'Hôtel « La Pietra » depuis 2016, Rinatu Frassati saluait et remerciait les centaines de personnes présentes à cette réunion. Il expliquait tout le mal qu'il se donnait pour que cet Hôtel soit une affaire saine, prospère, qui apporte sa pierre à l'édifice de l'offre touristique de l'Ile-Rousse. Puis, de dire non sans émotion son inquiétude, son désarroi devant les dégâts colossaux, que ce soit au niveau économique, commercial et social. Dans son intervention, l'hôtelier ciblait avec fermeté la municipalité de Lisula. 

« Je voudrais à ce propos remercier la présence de mes salariés dans la salle. Je les vois inquiets et en colère, je les vois aussi déterminés et solidaires. Merci infiniment d'être à mes côtés, sachez que je ferai tout pour être à la hauteur de votre bienveillance. Je vous promets que non seulement l'hôtel La Pietra ne mourra pas mais que l'hôtel La Pietra nous survivra. Je voulais aussi remercier les centaines de personnes qui m'ont apporté leur soutien depuis quelques jours, de l'Ile-Rousse, de la Balagne, de toute la Corse et de tout bord politique. Ce soutien montre bien que ce sujet touche absolument tout le monde. Puis de poursuivre : je vous l'annonce, puisque la Mairie ne l'a pas encore fait, ce que le Conservatoire du Littoral m'a affirmé lors de la réunion mardi dernier. Sauf changement de dernière minute, l'accès aux îles sera interdit au public toute l'année à partir du début des travaux prévu dès le mois de Février, et ce jusqu'au mois de décembre, avec une pause de quelques semaines au mois d'août, tout ceci dans la plus grande précipitation à cause de l'échéance de décembre 2023, correspondant, à si l'on écoute le Conservatoire du littoral, à la fin de la subvention France Relance. Une saison entière donc où les engins de chantier vont travailler sur tout le secteur, sans possibilité pour les corses, comme pour les touristes de marcher vers le phare qui est pourtant l'un des sites les plus visité de la ville, le site symbolique de la ville, le site qui a donné son nom à la ville. Et, pour les trois commerces du port, une saison d'ores et déjà foutue alors qu'on la préparait activement après deux ans de Covid, après une tempête au mois d'août dernier qui a causé de très gros dégâts ici à la Pietra et actuellement une inflation galopante qui nous empêche d'avoir une préparation de saison sereine. Voilà un bel exemple d'organisation municipale pour une maire. Voilà une très belle vitrine de politique touristique pour la Présidente de l'Agence du Tourisme de la Corse. 

Agissons avant qu'il ne soit trop tard

S'il fallait vraiment un tel chantier sur de telles périodes pourquoi pas ? Mais il faut le préparer, ça s'organise bien en amont. Une telle décision ne peut supporter aucun amateurisme, ni improvisation, on prévoit des solutions alternatives, d'autres expériences de visites pour les touristes, des interruptions de chantier pour ne pas empêcher le droit au travail de chacun… Mais la maire se tait et ne dit rien. Et surtout, plus frustrant, dans toute cette mascarade, c'est que ce projet essentiel à nos yeux depuis trente ans, aux yeux de tout le monde, serait déjà terminé à l'heure qu'il est sans l'intervention unilatérale de Mme le maire fin 2021. Je repose donc cette question au Conservatoire qui me taraude depuis un an : Pourquoi avoir pris le risque énorme de faire échouer leur projet en cédant aux exigences inconsidérées de Madame le Maire alors qu'un permis valable pouvait être réalisé en 2021 avec deux ans de marge de manœuvre, que je le répète, la Mairie n'avait qu'un avis consultatif que le Conservatoire pouvait écouter et rejeter. Quand nous lui posons la question, et nous l'avons fait à maintes reprises, le Conservatoire répond invariablement la même chose, certes la tête basse et un peu gêné de tuer : Il nous fallait être en conformité avec le projet de la nouvelle municipalité, projet de mobilité, de stationnement et de piétonisation de la ville. Alors, une fois encore, nous posons une question : Après deux ans et demi de mandature, c'est quoi ce projet de piétonisation du Centre-Ville? Où sont les plans? Où sont les financements ? Et puis, depuis quand le port est-il en centre-ville? Je rappelle que celui-ci est à 1 km de la place Paoli ».

Rinatu Frassati posait sans ménagement encore un bon nombre de questions à l'intention de Madame le maire, avant de demander à ce que soit organisée une grande table ronde.

« C'est dans cette ligne de conduite, qui a toujours été la nôtre, celle de la démocratie et du dialogue, que nous demandons pour la énième fois, qu'une grande table ronde soit organisée autour de ce projet dans les prochains jours, qu'elle réunisse tous les secteurs de ce dossier : la mairie, le Conservatoire du Littoral, la CCI, la Communauté de communes, l'État, les services de secours et de sécurité, et bien évidemment l'ensemble des socioprofessionnels. Nous proposons même que cette table ronde soit ouverte au public. Concertation, dialogue, rassemblement, tempérance, voilà les choses qu'on est en droit d'attendre d'un maire. Agissons avant qu'il ne soit trop tard ».

Le débat se poursuivait dans l'échange et le dialogue. Au cours de celui-ci où il a été suggéré la création d’un comité de défense, les intervenants ont manifesté leur intention s’il le fallait de descendre dans la rue et sous la pression populaire bloquer si nécessaire le début des travaux. 

GILBERT GUIZOL