« Que de là où elle est, Julie sache qu'elle ne sera plus dérangée »

Au terme de 5 jours de procès, la sentence est tombée. Votre première réaction ?
« Un grand soulagement. On est satisfait de ce qui s'est dit. Enfin ils ont écouté, ils ont compris, la justice a compris la violence que ce Monsieur a fait subir à Julie, ce qu'il a fait réellement à ses enfants. Il méritait d'après ce que l'on nous a dit la peine qu'il devait avoir et cette peine a été prononcée, alors oui, même si ça nous rendra pas notre Julie, c'est de la satisfaction ».
C'est une peine inédite, exceptionnelle comme le soulignait la présidente
« C'est un verdict juste au regard de l'horreur et de la lâcheté. C'est aussi un verdict qui fera jurisprudence dans tous les autres cas de féminicides qui doivent être jugés. Il y a d'autres femmes qui souffrent, il y a d'autres féminicides qui vont être jugés et, si la justice estime que ces hommes doivent être punis à la hauteur de la sentence prononcée aujourd'hui, alors oui c'est une grande victoire et ce 16 juin 2021 restera marquée dans cette lutte des violences faites aux femmes. La justice a été extraordinaire et le fait qu'elle reconnaisse que tous ces féminicides ne doivent plus exister, c'est un nouveau pas en avant qui est fait. C'est vraiment quelque chose qui me tient à cœur. N'importe quelle femme ne peut souffrir, ne peut avoir souffert comme Julie, et il y en a beaucoup d'autres ».
Votre sentiment sur le fait que vous ayez obtenu la déchéance parentale de l'accusé?
« C'est une victoire, on va pouvoir enfin vivre. On va pouvoir faire comprendre aux enfants qu'ils ne risquent rien, qu'ils n'ont plus besoin d'avoir peur que papa sorte de prison, qu'on va pouvoir faire n'importe quoi, sans demander quoi que ce soit, et cette épée de Damoclès que nous avions depuis deux ans et demi va disparaître. On aura juste à leur redonner comme on l'a toujours fait, tout l'amour qu'ils méritent ».
Est-ce que les enfants ont été tenus complètement à l'écart du procès et est ce que avez pu leur parler ?
Violette : « Les enfants sont au courant de ce que l'on fait. Le soir on les appellent pour leur donner des nouvelles, on leur dit que c'est dur, on ne va pas leur mentir et que c'est dur de les avoir loin de nous, qu'ils nous manquent beaucoup. J'ai hâte de leur annoncer ça, tout en sachant que le père a 10 jours pour interjeter appel.
Lucien : « On va leur expliquer qu'il a été puni pour ce qu'il a fait mais qu'il va falloir attendre 10 jours pour être sur ».
Sont-ils dans l'optique de poursuivre leur vie à vos côtés ?
Violette : « Mais bien sûr, on a déjà réservé nos vacances. Avant de venir au procès je me suis dit qu'il fallait avancer et nous avons fait des recherches sur internet pour partir en vacances dans un camping avec des attractions aquatiques... »
Julie a sacrifié sa vie pour ses enfants, elle a tout accepté pour eux, jusqu'à la mort
Violette, comment avez-vous abordé cette semaine de procès ?
« D' habitude, le fait de venir, de prendre l'avion, on était heureux parce qu'on voulait voir Julie, et là c'était plus la même chose. On avait peur du déroulement de ce procès, de l'inconnue, de le voir aussi. J'avais peur qu'on la salisse, qu'on veuille donner une autre image d'elle. Heureusement, avec nos avocats on avait vu quelques auditions avant et tout le monde disait du bien de Julie ».
Lucien renchérit : « Tout au long du procès, tout le monde a dit du bien de Julie, tous ont dit que c'était une femme aimante, une bonne mère de famille, une mère protectrice. C'était important de l'entendre car je m'attendais à ce que l'on veuille, comme j'ai pu l'entendre avant, porter atteinte à sa réputation. Finalement, on a entendu qu'elle était merveilleuse, qu'elle a toujours fait ce qu'il fallait pour tout le monde et qu'elle était respectée. Ce que j'ai ressenti, c'est que malgré le fait qu'on jugeait l'assassin de Julie, on respectait Julie. C'est sûr que comme les claques que j'ai pu prendre le 3 mars et le 17 décembre, celle de vendredi dernier m'a fait très très mal. Je me suis aperçu que ça ouvrait les yeux à beaucoup de gens et que enfin ils ont compris que ce combat que l'on mène c'était bien sûr pour les féminicides, mais d'abord pour Julie. Je savais que Julie était battue, martyrisée, insultée mais quand ta fille te rend compte qu'elle est violentée, tu te dis déjà que c'est quelque chose d'affreux. Quand tu entends l'insulter comme si c'était une merde ou encore que tu entends : « je vais te fracasser la tête contre le miroir », que tu entends ton petit-fils pleurer et que ta fille lui dit « T'inquiètes pas maman ne partira pas », là tu réalises que ce n'est qu'un petit grain de sable dans une dune et que ce qu'elle a du endurer, qu’est-ce qu'elle a du prendre, sans jamais rien dire à personne, sans jamais crier, tirer la sonnette d'alarme, c'est insupportable. Il a fallu qu'elle arrive à bout de tout pour dire j'en ai marre. Et malgré ça, malgré tout ce qu'il lui a fait, il lui a ôté la vie. Elle a sacrifié sa vie pour ses enfants, elle a tout accepté, jusqu'à la mort. Oui, là j'ai pris une grosse claque ».
À plusieurs moments vous avez souhaité remercier des gens. L'opportunité vous en est donnée aujourd'hui
«Tout d'abord, je voudrais remercier nos 3 avocats Me Ahdil Sahban, Me Jean-Sébastien De Casalta et Me Lia Simoni, l'avocate des enfants Me Francesca Seatelli. Ensuite je voudrais remercier l'avocate générale Charlotte Beluet. J'ai déjà eu l'occasion de la remercier personnellement car je pense qu'il faut savoir dire quand la justice n'est pas bonne ou qu'elle a des manquements comme il faut savoir dire à la justice Merci et reconnaître le mérite qu'elle a eu au cours de ce procès de se battre pour que Julie soit respectée et pour que tout le monde entende ce que l'on avait à dire. Enfin, je voudrais remercier tous les amis de Corse qui étaient là avec nous présents, c'était extraordinaire, elles étaient toutes là, elles ont toutes souffert en même temps que nous, elles ont toutes vu comme nous ces images insoutenables, elles ont toutes apporté leurs témoignages, elles ont osé pour faire comprendre qui il était. Merci aussi à l'association « Donne in lotta », l'association Savannah avec la présence de sa maman et tous ceux qui nous ont apporté leur soutien et qui resteront à jamais gravés dans nos cœurs. Sincèrement un grand MERCI. Il faut continuer à aider ces associations, il n'y a qu'elles pour nous aider dans ce combat des féminicides que nous devons gagner ».
On ne peut pas tourner la page bien évidemment, mais c'est un soulagement ce soir ?
« Oui bien sur que c'est un soulagement. En sortant de l'audience, j'ai pointé mon doigt vers le ciel, c'était pour elle, c'était pour notre Julie. Je pense que d'où qu'elle est, elle nous a entendu, elle a veillé sur nous, elle a gardé cette âme protectrice qu'elle avait pour ses enfants, pour nous. je ne peux pas dire qu'elle va mieux dormir, mais qu'elle sache que plus personne va la déranger et que même d'où elle est, personne ne viendra taper à la porte pour venir lui faire du mal. Justice a été rendue et comme j'ai eu l'occasion de le dire et de le répéter, l'assassin de Julie paie à la hauteur de ce qu'il a fait. Le verdict est juste, au regard de l'horreur et de la lâcheté de son acte ».
Votre conclusion ?
« Grâce à la bienveillance de la Municipalité de Monticello que l'on ne remerciera jamais assez, Julie repose dans cette terre de Corse qu'elle aimait temps. La rapatrier serait la trahir. Lui voulait la chasser de Corse, il l'a assassiné, mais elle y sera pour toujours. Qu'elle soit là, qu'elle soit là-bas nous aide à supporter sa perte parce que son corps est loin mais sa présence est là et je pense que ses amies qui l'ont aidé, qui l'ont protégé le mieux possible méritent aussi qu'elle reste avec elle. J'espère que notre fils Jordan va pouvoir se reconstruire. Je sais qu'il a cette force en lui de se battre. Il nous a beaucoup aidé, c'est notre pilier. Je pense que ce qu'il a entendu ce soir va l'aider à se reconstruire. On rentre ce jeudi sur le continent sans avoir à supporter ce poids de se demander combien de temps faut-il attendre pour que justice soit faite. Aujourd'hui justice a été rendue. La priorité aujourd'hui c'est d'aider les enfants à se reconstruire ».
Propos recueillis depuis le Palais de justice de Bastia par Gilbert Guizol