Jean-Guy Talamoni : "Préserver notre imaginaire pour exister dans l’universel"
Déjà auteur d’une douzaine d’ouvrages, l’ancien président de l’Assemblée de Corse, avocat et universitaire, revient ici sur ce qu’il appelle un imaginaire, non pas au sens de fantasme, mais comme « ce filtre à travers lequel nous voyons la réalité ». Un filtre façonné par des siècles d’histoire, de luttes, de contradictions et de récits multiples.
« Il ne s'agit pas de contribuer à la création d’un roman national, mais à cet imaginaire polyphonique dans lequel toutes les interprétations historiques peuvent dialoguer », précise Talamoni, évoquant la diversité des mémoires corses : paoliste, française, génoise, grecque…
Le fil rouge de son essai ? Une réflexion profonde sur l’identité corse, ses fondations et ses menaces. Il s’inspire notamment d’un ouvrage du XVIIIe siècle, La Giustificazione de Don Gregorio Salvini, qu’il considère comme « une bible de l’imaginaire corse », traversée par les thèmes de la vengeance, des armes, du clan.
Talamoni aborde aussi la responsabilité de transmission, en particulier vers les jeunes générations :
« Je suis persuadé que la nouvelle génération recèle des ressources vraiment importantes pour notre peuple […] Je fais confiance à cette jeunesse composée de Corses d’origine et de Corses d’adoption. »
Loin de tout repli identitaire, son appel est un cri de résistance culturelle. En convoquant des figures comme Emerson ou Senghor, il rappelle que l’identité n’est pas un obstacle à l’universel, mais une condition pour y prendre part :
« Si nous ne conservons pas ce que nous avons en propre […] avec quoi allons-nous nous rendre au rendez-vous de l’universel ? »
Un ouvrage fort, qui interroge, dérange parfois, mais qui cherche avant tout à réarmer culturellement un peuple face aux dangers de l’oubli.