Vendredi 20 juin 2025

Liaison maritime entre la Corse et la Sardaigne : une traversée en péril

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La ligne entre Bonifacio et Santa Teresa di Gallura, vitale pour les échanges entre la Corse et la Sardaigne, est en crise. En cause : des navires vétustes, des contraintes réglementaires strictes et l’absence d’investissement. Les collectivités appellent à une action conjointe des gouvernements français et italien.

Depuis des décennies, la liaison maritime entre Bonifacio (Corse) et Santa Teresa di Gallura (Sardaigne) assure des échanges réguliers entre les deux îles. Avec seulement 10 milles nautiques (environ 50 minutes de navigation), elle permet une fréquence de traversées élevée, proche d’un service terrestre.

Ce lien est non seulement essentiel pour les habitants et les professionnels des deux régions, mais aussi pour le tourisme, l’économie locale et la coopération transfrontalière. Pourtant, cette liaison connaît depuis plusieurs mois une crise majeure.

Un service interrompu et menacé

Depuis le 14 novembre 2024, le ferry Giraglia, exploité par la compagnie Moby, est immobilisé à quai. Résultat : aucune traversée n’a été assurée pendant près de quatre mois cet hiver, malgré l’attribution d’un appel d’offres à Moby pour la saison hivernale.

Depuis le 1er avril 2025, début de la saison estivale, seul le navire de la compagnie GTM assure le service. Sur les sept rotations quotidiennes nécessaires pour répondre à la demande, seules quatre sont maintenues. En cas de panne de ce navire unique, la liaison serait totalement interrompue.

Des navires trop vieux, une réglementation trop rigide

Les navires actuellement utilisés datent du début des années 1980. Leur vétusté les rend peu fiables et difficilement remplaçables. Mais la principale difficulté réside dans le type de navire exigé : malgré la courte distance, la traversée étant considérée comme internationale, elle doit être assurée par des navires certifiés SOLAS 74, une norme généralement réservée aux longues distances.

Cette exigence réduit drastiquement le nombre de navires disponibles sur le marché. Par exemple, un ferry en état de fonctionnement chez Moby, le Liburna, ne peut être utilisé faute de certification adaptée.

Des solutions sur la table, mais toujours pas de réponse

Lors de la réunion du Comité de coopération frontalière Italie-France à Nice en février dernier, la Collectivité de Corse et la Région Autonome de Sardaigne ont présenté deux propositions :

À court terme : amender la directive européenne 2009/45/CE pour intégrer la ligne Bonifacio–Santa Teresa et permettre l’utilisation de navires plus nombreux et adaptés.

À long terme : construire de nouveaux navires spécialement conçus pour cette liaison, en lançant un appel d’offres conjoint ou en créant une structure publique transfrontalière de gestion.

Malgré l’accueil favorable du Comité, aucune réponse concrète n’a été apportée à ce jour par les gouvernements concernés.

Un risque de blocage portuaire

Face à l’absence de solutions concrètes, les autorités locales s’inquiètent des conséquences économiques, sociales, mais aussi humaines d’une interruption prolongée. Elles alertent sur le risque de tensions dans les ports, voire de troubles si aucune mesure n’est prise à court terme.

Jean-Félix Acquaviva, président de l’Office des Transports de Corse, et Barbara Manca, conseillère aux Transports de la Sardaigne, appellent solennellement à une réponse rapide et concertée des États français et italien. Ils se disent prêts à participer à une réunion bilatérale ou conjointe pour faire avancer les solutions.
 

Sharon Rouanet

Crédit image : Didier Duforest - CC BY-SA 4.0