Agression du Dr Perchoc à Lumio : Rassemblement de soutien des professionnels de santé et de la population

Ainsi que nous l'avons relaté, le Dr Yann Perchoc, installé depuis peu à Lumio, a été agressé par un patient. Une plainte a été déposée et le cabinet a fermé ses portes. Le médecin qui assure malgré tout les urgences à domicile a souhaité se donner le temps de la réflexion avant de prendre sa décision de poursuivre son activité ou de renoncer.
Ce jeudi à 12 heures, les professionnels de santé de la microrégion de Balagne ont souhaité se rendre devant le cabinet du Dr Perchoc pour lui apporter leur soutien. Tout comme les élus au soir de l'incident, de nombreuses personnes ont souhaité se joindre à ce rassemblement.
Sensible à cette démarche de ses collègues, le Dr Perchoc est revenu sur cette matinée du lundi 14 février où il a été agressé : « Les consultations le matin se déroulaient normalement lorsque nous avons reçu un patient qui n'avait pas pris rendez-vous mais qui nécessitait des soins d'urgence et une prise en charge immédiate, au point qu'il devra être hospitalisé dans les plus brefs délais au CH de Calvi avant d'être transporté à Bastia. L'un des patients qui avait rendez-vous après n'était pas content. Il a jugé que pour lui que ce n'était pas une urgence. Nous avons essayé calmement de lui expliquer le caractère d'urgence mais il n'a rien voulu entendre et le ton est monté de son côté. Pour notre part nous avons gardé notre calme. Les insultes ont fusé et cet homme en est venu aux mains, en m'attrapant à deux reprises par le col. On a essayé de garder notre calme et de lui expliquer la situation mais rien n'y a fait. Il criait, il hurlait, il était très menaçant. Il avait les poings serrés, prêt à nous frapper, à bondir et il continuait à proférer des menaces en disant que de toute façon il nous obligerait à le voir en consultation. Dans ces conditions, nous lui avons répondu que ce ne serait pas possible. Il nous a à nouveau menacé de revenir et que de toute façon il reviendrait finir ce qu'il avait commencé et qu'il n'en resterait pas là. Clairement il nous a fait savoir qu'il n'en resterait pas là. Ne souhaitant pas sortir de la salle d'attente, dans laquelle se trouvaient d'autres patients, nous avons dû faire intervenir la gendarmerie car ce n'était plus possible de travailler. J'ai déposé plainte auprès de la gendarmerie car ce type de comportement est dangereux, non seulement pour nous, mais aussi pour les patients et les personnels soignants de tout ordre. Le jour même, nous avons continué notre activité et, vous n'allez pas me croire, dans l'après-midi, nous avons eu une personne que nous ne connaissions pas, sans rendez-vous, qui voulait être vue immédiatement alors qu'il n'y avait aucun caractère d'urgence. Malgré les explications apportées, là aussi la personne n'a rien voulu entendre et les insultes ont fusé. Clairement on est choqué et interloqué, ça ne reflète pas du tout notre activité médicale quotidienne, notamment la population de Lumio qui s'est mobilisée le jour même. On est bien conscient que ce sont des cas bien particuliers, très isolés, mais qui malheureusement existent et sont très bruyants. Je ne vais pas vous cacher que l'on est inquiet pour l'avenir et pour notre profession. On sait que ça existe mais on continue à travailler malgré tout. Pour ce qui nous concerne, nous avons arrêté l'activité du cabinet, tout en continuant les visites à domicile pour les gens fragiles. On se donne quelques jours pour réfléchir à notre pratique ici ».
Une vague de sympathie et de soutien de la profession médicale et paramédicale ainsi que de la population qui fait chaud au cœur et qui en donnerait les larmes aux yeux. C'est vraiment émouvant !
À la question de savoir si cela signifiait qu'il renoncerait à poursuivre son activité à Lumio, le Dr Perchoc répond : « On est pas dans le cadre d'arrêter. Je ne peux pas vous assurer qu'effectivement on va arrêter, a priori je ne pense pas. Je pense que beaucoup de personnes ici ont besoin de nous. Nous avons une magnifique relation avec nos collègues de travail mais aussi avec la population de Lumio et de la Balagne. Cette personne nous avait dit que l'on n'était pas les bienvenus en Corse et qu'il fallait rentrer chez nous. Tous les témoignages de sympathie et de soutien de l'ensemble de la profession et de la population de Lumio et des communes environnantes montrent le contraire et ça met du baume au cœur et ça en donnerait effectivement des larmes aux yeux. C'est vraiment très émouvant ».
Pour le Dr Agostini, « en aucun cas on ne doit manifester une quelconque violence, sachant le poids qui pèse sur notre profession. En règle générale, en Corse il y a un certain respect du Docteur, ce qui n'est pas foncièrement le cas sur le continent mais c'est vrai que l'on assiste de temps en temps à des dérapages. C'est vrai aussi que sans doute, cette pandémie et cette immédiateté que veulent les gens, évidemment, est une explication. Je pense que le vécu très douloureux des citoyens dans cette situation de pandémie est probablement une explication de cette demande effrénée envers les professionnels de santé, et la médecine en particulier mais ce que l'on ne peut pas accepter, je le répète, c'est la violence, c'est insupportable, on ne peut pas l'accepter et ça doit être condamné, comme nous le faisons aujourd'hui. Je voudrais juste rajouter que nous sommes très heureux d'accueillir des collègues et l'arrivée du Dr Perchoc est pour nous quelque chose d'important et c'est à bras ouverts qu'on l'a accueilli. Les citoyens, le peuple corse c'est un peuple d'accueil qui a toujours manifesté un grand accueil pour les gens venus sur cette terre, sur cette île pour exercer leur métier de médecin. Je ne voudrais pas non plus, comme j'ai pu le voir sur les réseaux sociaux, qu'on stigmatise un peuple parce qu'il y a certaines personnes, sans doute malades, qui sont agressives envers les médecins. Je ne peux pas laisser stigmatiser toute une région, tout un peuple ».
Le Dr Perchoc a pris la parole pour remercier les gens de toute cette solidarité des personnels soignants et soulignait cette réaction instantanée de la profession, des élus et de la population. « Vous voir tous ici me touche beaucoup » devait-il ajouter.
Nous prions le ciel pour que le Dr Perchoc tienne le coup et ne renonce pas à sa mission
Dominique Simeoni, représentant la communauté territoriale de santé de Balagne a remis au Dr Perchoc toutes les lettres de soutien reçues avant d'ajouter : « Je ne comprends pas cette agressivité des patients. Nous sommes là pour vous soutenir ».
Etienne Suzzoni qui s'est déjà exprimé dans nos colonnes sur le sujet a simplement rajouté : « Merci à tous les personnels de santé venus aujourd'hui apporter leur soutien. De notre côté, nous prions le ciel pour que le Dr Perchoc tienne le coup et ne renonce pas à sa mission ».
Le Dr Perchoc répondait : « C'est sûr que nous n'avons pas envie de céder à la pression, aux menaces, à l'adversité. Le bon sens commun est là, c'est vrai que cet épisode ne représente qu'un épiphénomène. On est très bien accueilli ici. Nous avons de très bons contacts entre professionnels et la population. Nous avons effectivement fermé le cabinet mais poursuivi les visites à domicile. Je ne dis pas maintenant que l'on va partir mais c'est un élément quand même qui va faire l'objet de nos réflexions mais ce n'est pas notre sentiment premier non plus. Je suis originaire de Bretagne, je suis un gars de la campagne et puis ce n'est pas dans notre état d'esprit non plus, ni dans notre mentalité. Si on est ici c'est qu'on aime bien la vie insulaire et que l'on en connaît les contraintes ».
Pour conclure, le Dr François Agostini parlait de cette violence dont « parfois on n'a pas conscience mais qui est terrible à vivre. On a tenu à être là, prêt de toi, pour te dire que tu n'es pas seul et ajouter que malgré ce qui s'est passé, qui est insupportable et qu'il faut condamner, comme l'a dit le maire, les corses sont des gens accueillants. On est content que tu sois avec nous et on serait content que tu reste avec nous ».
De longs applaudissements devaient ponctuer ces interventions.
Profondément choqué par les accusations portées contre lui
Joint par téléphone, l'homme incriminé dans cette affaire est un retraité âgé de 71 ans. Ce dernier s'est dit surpris des propos tenus à son encontre et lus dans la presse. Il se dit très choqué, tout en reconnaissant que dans la discussion, il avait eu un geste déplacé envers le médecin et qu'il le regrettait profondément.
« Si mon père était au cabinet le lundi 14 février c'est tout simplement parce qu’une semaine plus tôt, la secrétaire qui n'est autre que l'épouse du médecin l'a presque mis dehors du cabinet avec mon grand-père âgé de 98 ans parce que ce dernier a reniflé alors qu'il n'avait pas fait de test Covid, sauf que je sache, renifler ne veut pas forcément dire covid. De plus, il n'avait pas de fièvre. Pour ne pas faire d'histoire, mon père a pris un nouveau rendez-vous pour le 14 février.
Âgé de 71 ans, mon père lui-même atteint d'un cancer (leucémie) est très affecté par ces accusations portées contre lui et très touché par ces accusations et ce que cela engendre. Cette dame et le médecin ont parlé avec beaucoup d'agressivité et sans le moindre respect à mon père » ajoute sa fille.
Gilbert Guizol