Lundi 1 mai 2023

Calenzana : Hommage à une Sainte femme, Ginette Sinibaldi

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ginette
Elle aurait eu 94 ans ce lundi 1er mais la vie en a décidé autrement. Le 15 avril dernier, entourée de l'affection des siens, elle s'est éteinte, laissant derrière elle le souvenir d'une grande Dame au service des autres. Ses obsèques ont été célébrées le 18 avril dernier en l'église Saint-Blaise de Calenzana. Aujourd'hui, en ce jour anniversaire, nous avons fait le choix de publier l'hommage qu’on devait absolument lui rendre, en reprenant des éléments qu’un proche lui a rendu lors de la bénédiction à l’église St Blaise.

Ginette Sinibaldi, née Lauraine a vu le jour le 1er mai 1929 à Tenay dans le département de l’Ain. Ses parents étaient établis à Vinay en Isère, où elle passa sa petite enfance de façon heureuse, celle-ci fût marquée par un grand attachement affectif pour son père. Malheureusement ce dernier décéda en 1940 lors d’un bombardement pendant la seconde guerre mondiale. Le décès de son père fut pour la petite fille de 11 ans qu’elle était, un choc affectif immense. Veuve, sa mère Claire, s’installa à Lyon où elle vécut son adolescence.

À la sortie de la scolarité, elle travaillait dans un atelier à caractère confessionnel où se pratiquaient des travaux d’aiguille sur des vêtements sacerdotaux et militait dans une association de bénévoles. Elle avait acquis dans cette fonction une renommée pour le soin et l’éducation apportés aux enfants au sein de plusieurs familles.

Plus tard, elle a l’opportunité d’un poste d’enseignement de couture près de Saint Leu la forêt en Ile de France. Elle y exerça pendant 2 années. Se posait alors le problème de la vocation, elle avait jusque-là vécu de nombreuses années dans le giron de congrégations religieuses et c’est assez naturellement que la question de s’y intégrer se posa. Après mûre réflexion, ne se sentant pas assez forte pour tenir le coup, elle abandonna le projet.

De retour à Champagnole, elle  a travaillé un an dans une pâtisserie avant de trouver un poste au Centre d’enseignement ménager des Dominicains où elle est restée 2 ans où s'est joué un événement imprévisible qui allait changer le cours de sa vie.

À Calenzana en Balagne au nord-ouest de la Corse, un établissement de Sœurs Dominicaines, sis en la Maison Saint-Michel était à la recherche  d’une enseignante en Arts ménagers. Conquise et convaincue que c'était ce qui lui convenait elle acceptait et débarquait à Bastia, avant de prendre la micheline. À l’arrivée à la gare de Lumio, le 29 octobre 1955, une religieuse l’attendait très gentiment. Elle la conduisait jusqu’à Calenzana distant d’une dizaine de kilomètres. À son grand étonnement, à leur arrivée  une véritable haie d’honneur se formait pour l'accueillir avec chaleur.

À la Maison Saint-Michel, elle enseignait dans la grande salle du rez-de-chaussée, la fenêtre de la salle de classe étant située dans son dos.  Elle remarquait qu’un homme charmant et séduisant passait tous les jours devant l’établissement et jetait un œil curieux dans la classe. Elle faisait plus tard sa connaissance, il travaillait dans un garage un peu plus bas et était conseiller municipal, il se nommait Jérôme Sinibaldi, ils décidaient de se fréquenter. Puis, le 10 octobre 1957 ils convolaient en justes noces  devant le Maire, et le curé José Alberti qui, en l'église Saint-Blaise consacra leur union.

La première action dans laquelle elle s’est engagée avec son mari fut la fondation de l’ADMR, en 1963. L’annonce du projet fut faite en chaire par le père Alberti et l’accueil fut enthousiaste, rapidement un bureau de 14 membres se constituait, Maître Emmanuelli, maire de Montemaggiore en fut le premier président, y participaient Mesdames François de George, André Mariani, Avazeri…La période de lancement achevée, c'est son mari qui assurait la présidence.

C’est vers cette période que commençait à germer le projet de leur vie, ouvrir une auberge dans la forêt de Bonifatu sur la commune de Calenzana où la pratique de la randonnée commençait à se développer. La construction débutait en 1968 sur l’emplacement d’une ancienne chapelle. Le 25 juillet 1969, il n’y avait alors qu’une seule salle qui faisait office de cuisine et de restaurant, attenant, une grande tente qui pouvait accueillir 14 couchages et des produits du terroir étaient proposés. Les premières chambres  étaient construites et un groupe électrogène alimentait en électricité le soir jusqu'à 23 heures, et durant 14 ans, avant d'être relié en 1983 au réseau électrique. L’affaire prospérait et des travaux d'agrandissement étaient au fil du temps réalisés, pour atteindre au final 5 chambres pour les voyageurs et 3 pour le personnel saisonnier. La renommée de l’Auberge de la Forêt n'était plus à faire. Des hôtes de marque comme Yves Montand, Marcel Bozzufi, Léa Vassari, Catherine Deneuve, Mimi Mathy, Michel Drucker y  ont séjourné.

Le 4 août 1979 Jérôme s’effondrait dans la cuisine, victime d’un infarctus. L’atmosphère qui régnait à l’auberge fut ainsi à jamais brisée. Ginette ne se laissait pas abattre et continuait à gérer seule l’auberge, ayant toujours dans son cœur cette immense déchirure. 

Les années ont passé, elle se rapprochait alors d’un jeune couple avec enfants, qui ont grandi à l’auberge. Pour eux, Ginette était en quelque sorte leur grand-mère. Pour elle qui n’avait pas eu d’enfants, ça lui apportait un peu de baume au cœur sachant que quelque part certaines personnes lui apportaient de l’affection et elle en faisait autant.

Elle cédait son auberge en 1992, et s’installait à Calenzana place Commune, dans la maison de son mari. Elle œuvrait toujours pour l’ADMR, et aidait toutes les personnes qui lui demandait son aide, ses petits-enfants « de cœur » venaient souvent la voire et ce jusqu’à ses 92 ans, âge à laquelle elle commençait à être fatiguée. Après toutes ces années de travail, de services, de bonté, de générosité, entourée de l'affection des de ce qu'elle considérait comme ses enfants, petits enfants, nièces, elle est partie en paix rejoindre son mari tant aimé, à presque 94 ans, laissant derrière elle gravé à jamais son nom Ginette Sinibaldi, une grande et Sainte femme, dans la mémoire de tous ceux qui ont eu la chance de la  côtoyer.

Cet hommage se devait d’être fait, on se devait de faire connaître cette femme à des gens qui ne la connaissait pas, ou rappeler à certains qu’elle avait belle et bien existé.