Lettre à Lucca, fils aîné de Julie

D’autres manifestations auront lieu également sur le continent. Ce matin, sur les ondes de France Inter, c’est Cécile Mailfert, militante féministe qui a lu à l’antenne une lettre émouvante adressée à Lucca, 13 ans, fils aîné de Julie Douib.
Le 17 décembre 1999 , l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies a proclamé le 25 novembre, la Journée internationale pour l'élimination de la violence contre les femmes.
À cette occasion et à l’initiative conjointe de la communauté de communes Lisula-Balagne et de l’association « Entraide et Loisirs », le vendredi 26 novembre, pour cette journée contre les violences faites aux femmes mais aussi aux enfants, Lucien Douib, papa de Julie assassinée par son ex conjoint à l’Île-Rousse sera présent en Corse et plus particulièrement à Costa pour la pose du Banc Rouge au nom de Julie.
Une opération qui sera suivie à terme sur l’ensemble des communes du bassin de vie de l’Ile-Rousse.
L’association Entraide et Loisirs était réunie hier pour un petit déjeuner de travail afin de préparer cette journée contre les violences faites aux femmes et aux enfants.
Par ailleurs, sur les ondes de notre confrère de France Inter, Cécile Mailfert, ancienne porte-parole, Présidente d’ « osez le féminisme » et présidente fondatrice de la « Fondation des Femmes », a lu à l’antenne une lettre adressée à Lucca, 13 ans, fils aîné de Julie Douib, qui vit aujourd’hui avec son frère cadet chez les grands parents Lucien et Violetta Douib.
« Cher Lucca,
Tu as 13 ans et je me demande ce que tu retiens de ta vie d’avant. Les vagues tièdes, le soleil de Corse. Son odeur de garrigue. Julie, ta maman. Son regard et son sourire quand elle était fière de toi. Son goût de sel parce qu’elle pleurait souvent.
Depuis qu’elle et ton papa s’étaient séparés, tu avais une nouvelle chambre et un nouveau lit au ras du sol. Tu ne pouvais plus te cacher en dessous mais tu n’avais plus besoin : tu n’entendais plus ton père hurler.
Ton grand-père Lucien était venu du continent pour ajouter des serrures. Il était inquiet et ta maman aussi.
Toi tu aimais ton papa alors tu n’aimais pas trop toutes ces histoires. Tu n’aimais pas les entendre parler de police et de plaintes à répétition. Tu espérais que ça se calme, que Maman écoute Papa. Pour pas qu’il s’énerve. Qu’il ne la tape plus. Qu’il vous crie moins dessus.
Ce weekend de mars 2019, ton frère et toi, vous étiez chez lui. La veille ils s’étaient amusés avec ton oncle à tirer dans le jardin. Le dimanche matin, tu as ouvert les yeux avant tout le monde. Tu as entendu ton papa fouiller dans son coffre et partir. Tu l’as vu revenir, le pantalon plein de sang. Rien que le bruit de ses pas, tu savais que plus rien ne serait comme avant.
Après il y a eu les gyrophares. Des pantalons bleus qui s’agitent. Les assistantes sociales. Tu ne sais pas comment mais tu l’as su : un enfant, ça comprend tout.
Ta mère voulait se réfugier sur le continent. Mais impossible de partir: il avait vos papiers. Et pas que vos papiers : il avait la garde aussi. Pourtant vous aviez témoigné, elle avait alerté. Elle avait porté plainte. Elle avait dit pour l’arme. Elle avait dit qu’il la menaçait. Elle avait dit qu’il la tuerait. Mais ni la justice ni la police ne l’ont protégée.
Je ne sais pas ce que tu penses de nous, les adultes. Je ne sais pas ce que tu te diras quand tu entendras que depuis janvier elles sont déjà cent une à avoir été assassinées. Comme pour ta mère, pour beaucoup on les a pas prises au sérieux, on a fermé les yeux comme si tout ça c'était un problème privé, juste deux adultes qui se disputaient.
Alors samedi je vais manifester. Avec ton grand-père, les survivantes et les associations à leurs côtés. Face à des violences masculines qui broient des centaines de milliers de femmes et d’enfants c’est fou qu’on en soit encore à quémander. Les politiques nous diront qu’on demande trop d’argent et qu’ils ont déjà fait beaucoup mieux que ceux d’avant. Pendant ce temps, nous savons que faute de moyens on répond non à quatre femmes victimes de violence sur dix qui demandent en urgence un hébergement.
Toi Lucca, Samedi tu as foot. Maintenant tu habites chez tes grands-parents : ça s'appelle l’Ile de France mais y’a ni soleil, ni plage, ni vagues. Parfois tu reçois des lettres de Papa depuis la prison. Tu ne les lis plus, tu n’es plus obligé. Tu te sens enfin en sécurité. Tu t’es refait des amis. Mais tu ne les invite pas chez toi. Tu ne veux pas leur raconter. Comment pourraient-ils comprendre, ce ne sont que des enfants »
Le programme de la journée du vendredi 26 novembre :
- Inauguration à Costa de la mise en place des Bancs de Julie
Notre association verra son projet de mise en place des « Bancs de Julie » dans plus de 20 communes sur le bassin de l’Ile Rousse aboutir grâce au maire de Costa, Barthélémy Colombani.
Sur ces bancs sera placée une plaque avec des numéros d’urgence, ce qui permettra dans chaque commune, aux victimes de violences de trouver de l’aide à toute heure…
Cette démarche est aussi la preuve si besoin est, que ces communes s’engagent à apporter toute l’aide aux victimes et aussi une façon de faire changer la peur de camp !
Les agresseurs doivent comprendre que dans cette commune, les femmes et les enfants sont protégés !
Notre volonté est que plus jamais une femme qui demande désespérément de l’aide ne doit être assassinée !
- Réunion sous forme de table ronde
Probabilité de la présence de monsieur Yoann Toubhans, sous-préfet de Calvi.
- L’après midi à 15H :
Accueil des participants par Pierre Guidoni, maire de Calenzana (non confirmé).
Débat sur les violences et la situation en Haute-Corse, animé par Dominique Nadaud, responsable régionale haute corse du ministère des droits et à l’égalité des femmes.
Nous avons invité à participer au débat monsieur Lucien Douib, le papa de Julie qui nous parlera de sa fille, assassinée le 3 mars 2019 par le père de ses enfants !
Les violences faites aux enfants sont une de nos préoccupations majeures, pour en parler nous avons invité des représentants de l’Etat, de la Région de Balagne, de l’Education, de Fédérations sportives, des Départements de la Santé Publique, de la Mission locale.
Début des débats 15H dans une des salles du préau de Calenzana.
Nous serions honorés de votre participation à ces échanges et vous prions de bien vouloir confirmer votre présence, soit par retour de mail, soit en téléphonant à notre présidente au 06 52 96 00 88.