Nuit d’angoisse en Balagne

Ainsi que nous l’avons relaté dès hier soir, la Balagne, jusque-là épargnée, a connu son plus important incendie de la saison. Certes, avec le vent qui soufflait sur la micro-région depuis plusieurs jours on pouvait s’attendre au pire mais de là à connaitre ce que nous avons vécu la nuit dernière dépasse l’entendement. Il était un peu plus de 22 heures lorsque l’alerte a été donnée pour deux mises à feu simultanées à 1km d’intervalle. Très rapidement les pompiers de l’Île-Rousse mais également de Calvi, Belgodère, Olmi-Cappella et un peu plus tard de Ponte-Leccia, Corte et Bastia. Devant la gravité de la situation, trois colonnes de renforts des militaires de l’USC5 et autres personnels rejoignaient les soldats du feu sans oublier les réserves communales très actives sur le terrain.  

Sur la place de l’église à Santa Reparata, un PC feu était installé pour gérer la situation. De nombreuses personnalités inquiètent du déroulement de la situation se rendaient sur place. Parmi elles, Yoann Toubhans, sous-préfet de Calvi, « Nanette » Maupertuis, Présidente de l’Assemblée de Corse et les maires du bassin de vie de l’Île-Rousse Balagne. Au fil des heures, alors que le vent ne faiblissait pas, les flammes parcouraient à grande vitesse les communes de Pigna à Santa Reparata di Balagna par la crête. Le ciel balanin s’embrasait.

Avec beaucoup de courage et de détermination les soldats du feu mais aussi des jeunes des villages préservaient tant bien que mal les habitations. Par mesure de précaution, le couvent de Corbara était évacué alors que de nombreux riverains et vacanciers fuyaient les lieux. À l’école de Corbara, Paul Lions, maire de la commune et son équipe mettaient à disposition l’école communale. Dans le même temps à Île-Rousse, le COSEC ouvrait ses portes. Sur place, Antoine Guerrini, premier adjoint au maire, Annick Pozzo di Borgo, adjointe, Jean-Luc Costa, conseiller municipal et le personnel de la Ville étaient là pour accueillir les gens qui fuyaient l’horreur et leur offrir une collation. Un peu plus tard dans la nuit, Angèle Bastiani, Maire de l’Île-Rousse, conseillère exécutive de Corse, Présidente de l’ATC, rencontrait les nombreux vacanciers qui ont trouvé du réconfort.

Parmi eux, Bernard et Stéphane, en vacances tout près de Santa Reparata di Balagna, faisaient part de leur inquiétude : « nous avons vu au loin les flammes arriver mais jamais nous ne pensions qu’elles seraient très rapidement sur nous. Nous avons eu juste le temps de prendre quelques affaires et de partir en voiture avec nos épouses et les enfants. Là on nous a indiqué qu’une structure d’accueil avait été mise en place au COSEC de l’Île-Rousse. La famille se repose alors que nous prenons notre mal en patience et espérons que rapidement nous puissions rejoindre notre lieu de vacances. Nous tenions Madame le Maire à vous remercier de nous avoir hébergé durant ce temps. C’est triste de voir la Corse brûler ainsi. »

Une jeune fille en larme, blessée à un pied, était réconfortée par ses parents. À même le sol, des couples mais aussi des familles tentaient de trouver le sommeil. Angèle Bastiani s’entretenait par téléphone avec le sous-préfet de l’arrondissement et faisait état de 142 personnes hébergées au COSEC et de nombreux autres vacanciers qui avaient préféré rester dans leur véhicule sur le parking.

Sur le front des flammes la situation devenait critique peu avant 1h du matin lorsque la barre de feu se présentait en direction de Palmentu, Occiglioni, Santa Reparata et autre point crucial, le hameau d’Alzia où les soldats du feu devaient s’employer avec force pour protéger les habitations et éviter le pire. Tous les accès à ce secteur du feu étaient interdits par les forces de gendarmerie qui veillaient.

À 3h du matin, le PC opérationnel faisait le point de la situation avec 120 hectares de végétations parcourues et plus d’une trentaine d’habitations protégées. L’arrivée de deux Pélican était également annoncée pour le lever du jour. La coupure totale de la RD263 était maintenue en attendant un retour à la normale. Ce matin, après l’intervention des pompiers du ciel, l’incendie était en passe d’être maîtrisé mais le vent persistait. Des moyens restaient sur place. À l’heure du bilan et des premières reconnaissances ce n’était que désolation. À cet instant il était de 200 hectares brûlés.

L’enquête devra déterminer l’origine de cet incendie. Spécialistes du feu et gendarmes sont sur place pour effectuer les prélèvements mais le déroulement de ces départs du feu en deux points différents ne laissent peu de doute à la thèse criminelle. Le parquet de Bastia a ouvert une enquête de flagrance pour dégradations par incendie et mise en danger d'autrui, confiée à la brigade territoriale de la gendarmerie d'Ile-Rousse. Une fois de plus la Balagne devra panser ses plaies. De mémoire d’un pompier, habitant de Palmentu, cela faisait depuis 1986 qu’on n’avait pas connu pareille horreur dans ce secteur de Balagne.

GILBERT GUIZOL