Vendredi 26 novembre 2021

Inauguration du banc rouge à Costa : De là-haut Julie Douib est fière de la Corse, sa seconde famille

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Laura Rapp et Lucien Douib
Ne plus tolérer l'intolérable. Ce matin à Costa, lors de l'inauguration du banc rouge, les yeux remplis de larmes, Lucien Douib, papa de Julie, assassinée le 3 mars 2019 par son ex-conjoint à quelques kilomètres de là, lève la tête pour communier avec elle et lui dire que ses amies sont là, que sa seconde famille est là et que sur cette terre de Corse dont son bourreau voulait la chasser est bien la sienne. Cette Corse qu'elle aimait tant partage ce devoir de mémoire et n'oublie pas les siens.

Le ciel est gris, le froid s'installe, la fumée sort des cheminées mais en cette journée mondiale des violences faites aux femmes, le petit village de Costa en Balagne a décidé de sortir de sa léthargie hivernale pour marquer son engagement dans cette lutte contre les violences faites aux femmes mais aussi aux enfants.

À l'initiative de cette démarche, le maire de Costa, Barthelemy Colombani, 35 ans, élu depuis 20220.

À 11 heures, alors que le soleil a du mal à transpercer les nuages, sur la Piazzetta, devant la modeste Mairie, un banc rouge, du nom de Julie, assassinée par son ex-conjoint le 3 mars 2019 à l'Ile-Rousse, et sur lequel on peut lire : « Les Bancs de Julie- In Memoria di Tutte e Donne Culpite » - Numéro national : 3919, - Numéro Régional : 0800 400 235, va être inauguré, en présence du papa de la victime, Lucien Douib, venu tout spécialement de Vaires-sur-Marne, mais aussi de la jeune Laura Rapp, victime en 2018 d 'une tentative d'homicide par son ex-compagnon, sauvée d'une mort quasi certaine grâce à l’appel à l'aide envoyé sur Twitter, des amies de Julie réunies en association, de Myriam, victime d'inceste, d'élus de Costa et de la communauté de communes L'Isula-Balagna, de représentants d'associations d'Etat et autres, sans oublier les habitants du village.

Lionel Mortini, président de la communauté de communes L'Isula – Balagna, prenait la parole pour saluer le maire Barthelemy Colombani et son conseil municipal à l'initiative de cette démarche soutenue par l'intercommunalité et demander à chacun d'avoir une pensée pour Julie, soulignant au passage l'importance de ne pas oublier et d'ajouter cette opération que nous avons à cœur d'encourager : « Ce banc rouge est un lieu de vie, un lieu de mémoire pour Julie et pour toutes ces femmes victimes de féminicides ».

Lionel Mortini excusait Lauda Guidicelli, Conseillère exécutive en charge de la jeunesse, des sports, de l'égalité femmes-hommes, de la vie associative et de l’innovation sociale et saluait le travail d'Antoinette Salducci qui par le passé s'est beaucoup investie dans ce douloureux dossier des violences faites aux femmes.

« Si nous sommes réunis ici, ce 26 novembre, c'est pour inaugurer ce banc rouge, qui n'est pas le premier présent sur notre intercommunalité, mais qui symbolise le lancement de l'opération « Les bancs de Julie ».

Cette opération porte le nom de Julie Douib, victime d'un féminicide le 3 mars 2019 qui a raisonné comme une détonation fracturant nos cœurs à tous.

Un banc, aussi rouge écarlate soit-il, ça n'aurait pas de sens si ce n'est celui du recueillement.

C'est pourquoi sur ce banc, comme sur les autres installés, ou bientôt installés dans chaque commune de notre intercommunalité se trouve une plaque avec les numéros dédiés à la lutte contre les violences conjugales. Cette mission revient à différentes institutions : police, gendarmerie, services sociaux, associations mais aussi à chacun, chacune d'entre nous!

C'est donc en ma qualité de maire de la commune de Costa, en tant que citoyen, mais aussi en tant qu'homme que j'inaugure ce banc aujourd'hui avec vous » soulignait Barthelémy Colombani, avant de préciser que l'opération était menée conjointement avec la communauté de communes Lisula-Balagna, au travers de son président Lionel Mortini et de ses services et que la présence de ces bancs avait pour but de sensibiliser les enfants qui verront ce banc aux violences conjugales dès le plus jeune âge, pour déclencher des discussions d'adultes sur le sujet, sur les places publiques, parkings, aires de jeux... 

Aller plus loin en mettant à disposition un logement au service des victimes et en mettant en place une délégation des violences faites aux femmes au sein de l'intercommunalité Lisula-Balagna

Puis d'ajouter :

« Mais un banc ça ne suffit pas. C'est pourquoi avec le président Mortini nous  avons décidé de mettre à disposition, un logement dont nous assurons la gestion en interne à notre interco, dont l'adresse sera tenue secrète, afin que plus une femme ne puisse dire mais où pourrais-je bien aller ?

Enfin, nous allons créer une délégation des violences faites aux femmes au sein de l'interco, afin d'avoir une référente au niveau des élus pour les sensibiliser et les armer de connaissance afin de lutter tous ensemble contre ce fléau.

Cette délégation aura pour vocation de venir en appui à l'action du CIAS, déjà très présent sur le terrain, par le renforcement et la mise en place de nouvelles formations sur le sujet à destination des élus, des fonctionnaires, mais également de la population ».

Et de conclure : « Vous l'aurez compris, inscrire cet engagement à notre agenda politique c'est nous engager publiquement contre ces violences, contre les féminicides, afin qu'au XXIème siècle, en démocratie, ne soit plus toléré l'intolérable ».

D'autres intervenants ont été appelés au micro pour s'exprimer, défendre leur politique en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, avec parfois des arguments contestés par les représentantes d'associations dans le public.

On notera aussi l'intervention de Lucien Douib qui une fois de plus, avec ses mots, sa sensibilité et cet amour qu'il porte à la Corse et aux corses a su toucher son auditoire ou encore avoir les mots d'amour pour sa fille qu'il ne reverra plus mais qui continue à vivre grâce à tous ces gens qui sont là pour crier leur amour à Julie et défendre sa mémoire.

En public, il reprenait les mots prononcés hier pour Stampa Paese (voir ici)

L'instant était entouré d'une émotion difficilement contenue.

On retiendra aussi l'intervention de Frédéric Guglielmi, non pas pour son avalanche de chiffres et des actions menées par l'Etat après cette prise de conscience tardive mais pour ces mots en direction des élus du rural et plus particulièrement Barthélémy Colombani qui ont un rôle prépondérant à jouer :

« Je voulais vous féliciter Monsieur le Maire de Costa car c'est bien vous et votre conseil municipal qui avec la communauté de communes avez décidé d'installer ce banc sur la place du village. Un banc qui finalement symbolise la détresse des victimes mais c'est aussi qui veut mettre en lumière ce phénomène des violences conjugales afin que chacun nul n'en ignore et que chacun ouvre les yeux, en parle, en dénonce ces comportements et que chacun agisse ».

Les invités étaient ensuite conviés par la municipalité de Costa à un buffet de l'amitié.

À 15 heures à Calenzana, toujours à l'initiative de l'association Entraide et Loisirs devait se tenir une table ronde sur la violence faite aux femmes, aussi de celles dont sont également victimes les enfants.

Un sujet, une cause que défend avec toute sa fougue Laura Rapp.

Texte : Gilbert Guizol 

Reportage photographique : Kevin Guizol